Test de Life is Strange (PS4)

Life is Strange

Life is Strange ne date pas d’hier. En effet, l’intrigant jeu fait ses premiers pas, dématérialisés, dès la fin du mois de janvier 2015. Un an plus tard, environ, le dernier titre du studio parisien Dontnod refait surface dans une formule physique pour les plateformes les plus influentes. C’est bien évidemment l‘occasion de découvrir le projet dans sa globalité, d’en parler et de dire tout le bien que l’on en pense. 

Avec Life is Strange, révèle Raoul Barbet, le coréalisateur du jeu, « Il y avait une volonté de [leur] part de s’approprier des thèmes plus simples, plus nostalgiques, plus intimistes« . Et c’est les adjectifs qui ressortent, aux premiers abords, de Life is Strange. Du coup, le studio Dontnod reprend les codes du cinéma indépendant avec des plans originaux comme des contre-jours ou des phases plus lentes. « On avait clairement en référence des films comme Juno ou Virgin Suicide » raconte Barbet en évoquant la genèse du projet. Pour contextualiser, Life is Strange sort après Remember Me, un projet audacieux qui n’a pas rencontré le succès attendu mais qui a permis au studio français de se faire la main et de reprendre, d’une certaine manière, le thème du temps qui passe et sur lequel on peut avoir un impact significatif (pour Remember Me, il s’agissait de séquences mémorielles dans lesquelles le joueur pouvait naviguer librement pour dénicher des réponses et des éléments permettant de faire progresser le scénario).

Life is Strange
… et ce n’est encore que le début, Max !

Il faut dire que le projet Life is Strange était un peu le quitte-ou-double du studio. Pour ce projet, Dontnod s’est rapproché du Centre national de la cinématographie et de l’image animée, et après Capcom, c’est l’autre éditeur japonais Square-Enix qui a décidé de leur faire confiance. Bon, il est vrai que le risque n’était pas le même que pour Remember Me qui se positionnait clairement comme un jeu triple A. Life is Strange se rapproche assez fortement de ce genre très tendance ces dernières années qui est le jeu d’aventure fortement narratif à dilemmes. Et, forcément, quand on parle de ce genre, on pense aux derniers jeux Telltale ou aux productions du controversé David Cage (Heavy Rain, Beyond Two Souls, etc.). Et le studio parisien le reconnait aisément : « on est au centre d’une sainte-trinité, entre Gone Home pour l’ambiance et les thèmes, Heavy Rain pour l’importance de la narration et des choix, et les jeux du studio Telltale comme Walking Dead ou The Wolf Among Us pour le format épisodique ».

Life is Strange
Max est étudiante en photographie et aime prendre des selfies, son professeur ne manque pas d’en faire un cas analysé en classe.

Des épisodes, Life is Strange en propose cinq. Cinq épisodes qui grimpent crescendo avec, généralement, un beau cliffhanger à chaque fois. Notez que, jeu narratif faisant, la suite de ce test pourrait vous révéler des éléments de l’intrigue… Vous vous appelez Maxine Caulfield, vous êtes étudiante en photographie dans une école réputée se situant dans l’Oregon. Spectatrice d’un drame, elle se rend compte qu’elle peut, en se concentrant, revenir quelques instants en arrière. Reprenant contact avec une connaissance perdue de vue, Chloe Price, les deux filles vont essayer d’enquêter sur la disparition de la presque parfaite Rachel Amber. Seulement, un drame plus important encore aux allures apocalyptiques semble faire pleinement partie de l’avenir d’Arcadia Bay, là où se trouve la fameuse école de Blackwell !

Life is Strange
La ville d’Arcadia Bay semble soumise à un destin funeste inéluctable.

Dans le premier épisode, Chrysalis, le jeu met en place le contexte et les bases du gameplay. Life is Strange est loin d’offrir un environnement entièrement libre. Cependant, lorsque l’on découvre le pouvoir de Max, on peut rapidement voir ce qui différencie ce projet de ses inspirations. Les dilemmes sont très présents dans Life is Strange mais la possibilité de revenir légèrement en arrière permet de pouvoir réorienter ses choix, d’en refaire d’autres avec des éléments de réponse que l’on ignorait jusque là. D’emblée, l’intérêt vient surtout du fait de pouvoir se dire : « bon, est-ce que c’est bon là ? Je continue ou je choisis autre chose » ? Le dilemme ne viendra donc pas du côté indélébile de nos choix mais plus sur l’interrogation du bon choix tout court. Ce premier épisode permet de voir tout l’intérêt d’avoir choisi la thématique d’études en photographie. Le jeu, bien que son esthétique soit, peut-être, un peu rebutante au début, propose un environnement très agréable et finalement riche en informations. Plus pour enrichir le background que pour faire avancer l’histoire (quoique !), de nombreuses informations sont fournis par les développeurs : affiches, ordinateurs ou tablettes laissés ouverts, SMS ou encore le très riche journal intime de Max qui permet d’en savoir plus sur son environnement et sur son ressenti.

Life is Strange
Le journal intime de Maxine contient de nombreuses informations sur l’univers qui l’entoure.
Life is Strange
Max échange régulièrement par SMS avec des amis… ou non.

S’en suit l’épisode Out of Time où on oublie l’utilisation plus timide du pouvoir de Max du premier acte et l’on se retrouve à devoir prouver sa véracité dans une série de scénettes vraiment amusantes et originales. Chloe et Maxine se redécouvrent et passent beaucoup de temps ensemble. Les menaces s’intensifient et nos premiers choix commencent à afficher leur(s) (faible(s)) conséquence(s). L’on a la nouvelle confirmation que les objets récupérés dans un sillon du temps reste dans l’inventaire et l’on découvre même un approfondissement du pouvoir de contrôle du temps : la possibilité de le figer complètement et de pouvoir agir avant qu’un réel drame ne survienne. Surtout quand la jauge dudit pouvoir semble HS. La finale de cette épisode montre que la narration de Life is Strange monte progressivement et annonce du très bon pour la suite. Out of Time met aussi l’accent sur les risques du pouvoir de Max. Combien de temps pourra-t-elle l’utiliser ? En abuser pourrait-il la mener à sa perte ?

Life is Strange
Max et Chloé ne se laissent pas faire quand il s’agit de s’opposer à l’élève le plus influent de l’école.

Max et Chloe continuent leur enquête, dans « Chaos Theory« , pour retrouver Rachel Amber, jusqu’à devoir braver quelques interdits et agir de nuit. Que cache leur entourage et ce que représente l’autorité comme le proviseur de l’école ? Et là, nouveauté : le pouvoir de Max lui permet de remonter encore plus loin dans le temps. Mais remonter quelques jours ou quelques années en arrière aura forcément plus d’impact et de conséquences qu’un simple retour de quelques minutes. L’effet papillon, ou la théorie du Chaos (d’où le titre), donne parfois des effets indésirables complètement… inattendus. En fixant une photo pendant un long moment, Max a donc la possibilité de se plonger dans le passé et de changer la vie et le drame qu’a connu sa meilleure amie. Mais est-ce une bonne chose ? Un sacrifice de vie peut-il être effacé d’un simple souffle ? Ou cela se contrebalance-t-il nécessairement pas une autre déchirure ? Cet épisode montre à nouveau le savoir-faire de Dontnod et permet de tomber sur un cliffhanger vraiment aussi original que déchirant. Faudra-t-il laisser les choses comme ça ? Ou la situation initiale n’était-elle pas finalement acceptable ? Ce sera à vous de juger.

Life is Strange
Max et sa passion des photos instantanées : le symbole même de Life is Strange.

Par la suite, les modifications du passé, l’effet papillon et tout ce qui s’y rapproche, impactent le futur de façon souvent inattendue. Sauver une personne, longtemps regrettée, pour en voir une autre souffrir, le dilemme est insoutenable mais pour pouvoir progresser dans le récit, il faudra sans aucun doute revenir à l’état initial, qui sait. L’utilisation du pouvoir de Max semble être de plus en plus pénible, pourtant, elle n’en aura jamais eu autant besoin. Cet épisode s’axe surtout sur l’enquête qui permettra à Max et Chloe de retrouver Rachel et pouvoir, enfin, mettre un terme à tout cela. Le point final sera encore un beau cliffhanger qui nous oriente vers le vrai coupable du drame de l’académie Blackwell. Et cela, sans compter la fin du monde, si on peut l’appeler comme cela, qui semble vraiment inéluctable. Prise au piège, arrivera-t-elle à se sauver elle-même et à sauver Arcadia Bay ? Dans l’ensemble, Life is Strange arrive ainsi à tenir, tranquillement, parfois moins, le joueur/spectateur dans un ensemble très équilibré.

Des choix musicaux de grande qualité 

Life is Strange
Ce moment est amusant : Max joue sur le morceau quel fait passer sur sa chaîne-hifi.

Je ne pourrais pas terminer ce test de Life is Strange sans évoquer la bande-son du jeu. Première chose, le jeu propose quelques passages instrumentaux réalisés par le leader du groupe Syd Matters, Jonathan Morali, dont le très sympa « To All of You« , introduction du premier épisode. D’autre part, on retrouve également une batterie de bons sons folks avec des noms très connus comme Mogwai, Angus & Julia Stone, Foals ou encore José Gonzales et, mes chouchous, Alt J. Cette bande originale est tellement qualitative que les Inrock, notamment, ont estimé avoir le devoir de la mettre en avant ! Pour le son original, Jonathan Morali a accepté assez rapidement, étant lui-même très joueur. Pour les chansons reprises d’ici et là, les Inrock estime que la musique « tient un rôle central dans l’expérience et que, si Life is Strange séduit en nous permettant de faire évoluer l’intrigue selon nos envies, notre caractère ou notre humeur, c’est par son ambiance, son atmosphère, sa manière de nous faire partager un certain être-là qu’il frôle le sublime« . La musique du jeu n’est donc pas seulement là pour dire que le jeu propose les titres de tel ou tel artiste, mais on sent que l’ensemble reste très homogène et qu’il sert à créer une réelle immersion, l’immersion de cette adolescence en fin de vie, l’optimiste et le pessimisme qui, semble-t-il, finissent par se mélanger en offrant cet odeur nostalgique d’une charmante fin d’été. Notez que la version collector, si elle est encore disponible, offre le CD de la bande-originale !

Conclusion 

Life is Strange
Max et Chloé et leur retrouvailles.

Tout le monde ne peut pas se lancer, fusil à l’épaule, dans le domaine des jeux narratifs. Chance, Dontnod a bien réfléchi son projet et a montré un talent certain pour jouer sur les émotions des joueurs. Bien sûr, comme les autres jeux de ce type, Life is Strange pourra frustrer ceux qui veulent avoir le contrôle total de l’univers et de son environnement, pouvoir y traîner et faire des à-côtés, si l’envie s’en fait ressentir. Ça ne sera pas le cas dans ce jeu qui, pourtant, propose de nombreux éléments contextuels (documents, PC ouverts, affiches, flyers, etc.) qui donnent réellement corps à l’ensemble et apportent son lot de réalisme. Outre l’écriture globale qui aurait pu, vu sa brochette de personnages, passer dans le camp des histoires teenager à l’eau de rose, le studio français ne s’est pas laissé avoir et propose, au contraire, une expérience très mature, profonde et intéressante. D’autant que les inspirations de Life is Strange vont parler aux vieux briscards geeks des 90’s. On pourrait aussi nommer Twin Peaks ou encore X-File, les deux titres sont d’ailleurs repris sur des plaques d’immatriculation, ce qui doit être loin d’être une simple coïncidence. Et ce n’est qu’un exemple. Au niveau technique, Life is Strange pèche un peu, sans doute, bien que le style graphique semble être un simple parti-pris qu’il faudra accepter.

Jeu narratif à dilemmes, Life is Strange, grâce à un aspect « fantastique« , apportera de l’originalité mais aussi une certaine assurance que tout est réparable. Du coup, le titre sera sans doute moins tendu qu’un jeu Telltale, pour citer le meilleur exemple. Ainsi, si l’aventure est vraiment agréable, les impacts des choix sont minimisés, ce qui pourrait aussi être qualifié comme un point négatif. Dans l’ensemble, j’ai tout de même passé un moment très agréable. Et pour une trentaine d’euros et cinq fois trois à quatre heures, pour sûr que Life is Strange est une des grandes réussites de l’année 2015 à mes yeux. À faire, sans aucun doute si la thématique et le format vous conviennent.

Les plus :

  • Une histoire prenante qui implique le joueur
  • Une bonne narration et une bonne mise en scène (idéal pour passer une soirée à deux, l’un étant forcément plus spectateur que l’autre)
  • Un background proposant de nombreux détails, anecdotes, etc.
  • Un prix très intéressant pour une durée de jeu entre 12 et 15 heures (35€ pour la version collector, une vingtaine d’euros en version normale)
  • Et une bande-son soignée et très riche pour qui aime la musique folk

Les moins :

  • Comme dans beaucoup de jeux narratifs, les choix ne sont finalement pas si nombreux
  • Un graphisme un peu daté mais un design assez réussi dans l’ensemble
  • Un gameplay qui ne sera pas aussi central que voulu
  • Et du coup, une difficulté amoindrie

Note : 5/5