Chronique Jeu de Société La Bête

Le hasard fait parfois bien les choses ! Attiré par l’appel de La Bête (Sweet Games/Multivers) parmi les récentes sorties de jeux de société, il se trouvait qu’il participait aux Rencontres du 3ème Type, évènement organisé par et à l’Espace By Maaars à Châteaudun et non en Gévaudan, où l’on s’est donc rendu. Avec pour objectif de traquer cette curiosité asymétrique de Charlec, illustrée par Ann&Seb et à la direction artistique et au design graphique de Benjamin Treilhou, baignant dans la déduction et les faux-semblants.

La Bete

En 1764 en Gévaudan, une créature fait régner sa loi dans cet environnement forestier aussi splendide, que perturbant. Alors que « La Bête » s’en prend à femmes et enfants, des doutes subsistent quant à sa volonté agressive personnelle. Des détails, comme les habits pliés auprès des victimes, laissent à songer que le malin lui-même est derrière ces horreurs. Voire le pire des diables : un homme ! Reprenant le contexte et les protagonistes phares d’époque, le jeu verra ceux-ci agir au fil des 12 saisons (12 tours) correspondant à la chasse avant son terme. Un laps de temps durant lequel, la/le joueuse/joueur incarnant La Bête et lui déterminant une identité secrète parmi 5, devra commettre 25 crimes afin de l’emporter.

Tandis qu’en face, il s’agira d’entraver ce but ou de lever le voile sur cette identité cachée. Avec une différence nette à 2, puisque forcément au niveau des participant.e.s, la sensation s’avèrera davantage celle d’un duel. Alors que de 3 à 5, l’aspect déduction par rapport aux actions s’en verra galvanisé par la coopération d’un côté et la/le machiavélique solitaire de l’autre. Ce qui n’empêche en rien les 2 approches de rester aussi bonne l’une que l’autre.

Peu importe combien seront les enquêtrices/eurs, voire si on est seul de ce côté, les 4 personnages traquant seront tous à incarner. L’envoyé du Roy, le garde-chasse Jean Chastel, le marquis d’Apchier et l’évêque de Mende, dont les pions seront à placer sur un ou des village(s)/hameaux, après que leur adversaire ait choisi son lieu d’entrée. Soit déjà une éventuelle déduction, si l’aléatoire fait également bien les choses pour vous. Si ce n’est le cas, premier acte sanglant réussi ! Et encore, il ne s’agissait que de la mise en place. Suite à quoi on se lancera dans le premier tour. Tous se divisant en 4 phases.

En commençant par celle des saisons, qui insufflera des surprises en tirant une carte dévolue. L’évènement décrit à appliquer quand requis, pouvant complètement bouleverser la donne, en gênant par exemple directement les assassinats. Ou en ouvrant davantage les possibilités de déplacements. Voire en ne dissimulant pas tellement sa future séquence… Et par conséquent, le besoin de potentiellement changer nos plans par crainte de ne se faire avoir par le camp d’en face. Sachant que des effets valorisent l’un ou l’autre.

La Bete

Suite à quoi, selon la saison, le parti de l’enquête dépêchera sur un village (pas de hameau) des renforts de type dragons du roi (des unités de carabiniers) ou milices paysannes. Le premier pour le printemps et l’été, le second pour la collection automne/hiver. Moins rompu à l’exercice, ce soutien évitera une victime si la/le criminel.le rejoint une place où figure un paysan. Et 0 s’il s’agit d’un envoyé du roi. Comme une unité ne bougera plus jusqu’au terme, la planification, notamment pour envisager un périple d’autrui à encadrer, s’avèrera primordiale.

La Bête sélectionnera dans la foulée et en secret, sa carte désignant le village où elle compte se déplacer. D’1 à 4 lieues, la distance séparant 2 localités, avec interdiction de se stopper sur un hameau. Et, sauf évènement le permettant, impossible de se rendre à un endroit identique lors d’une même année. Puis on cache, sans profiter de son pouvoir, ou montre, pour là en bénéficier sans forcément le faire, le jeton Traces que l’on voudra employer cette saison. Cependant qui peut se perdre comme on l’expliquera, en plus du fait qu’on ne dispose de la totalité au fur et à mesure d’une année. Secouant davantage la progression.

On s’en rend compte dans la phase 2, Effacer Les Traces. En récupérant le jeton disposé 2 saisons auparavant et le village où on s’est arrêtée il y a pile un an. On s’ouvre ainsi de nouvelles (re)possibilités pour le tour d’après. Dont ces fameuses habiletés, en vue de se déplacer davantage, de tuer plus, même si figure une délégation de dragons ou carrément de pousser d’une lieue un enquêteur. Et, plus précisément encore, commettre un meurtre bonus en l’effectuant à 3 lieues maximum autour d’Auvers. Un éventuel traquenard, puisque forcément on peut désirer de s’y diriger pour l’empêcher de faire plus de dégâts. Sauf qu’il s’agit peut-être d’une fausse indication. Afin de laisser le champ libre ailleurs. Le jeu d’esprit s’avère donc intense..

On repasse aux enquêteurs pouvant pleinement coopérer, avant de bouger ou non leur propre figurine. Car de 0 à 2 lieues, chacun est capable de protéger intégralement un village. En revanche de 3 lieues, on passera à une chevauchée ne le permettant plus. Il peut toutefois s’avérer d’un déplacement tactique pour la suite. Pour ces 4 là, il est envisageable de finir son chemin sur un hameau et même de partager sa position avec qui ce soit, milice incluse.

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L’ultime phase, Terreur, révèle le village où accède la hantise du peuple. Selon la quantité de lieue(s) franchie(s), on soustrait celle-ci au chiffre 5 pour savoir combien de crime(s) elle fera potentiellement. Car il reste à vérifier les donnes précédemment évoquées, pouvant faire diminuer cette quantité ou au contraire l’accentuer. Les enquêteurs peuvent ensuite investiguer, si La Bête se situe sur le même village qu’au moins un d’entre eux. Où si l’un se trouve au village pris en grippe à la saison précédente. Soit les 2 endroits pour lesquels il existe encore un jeton Traces. Ce dernier qu’on capturera, si son identité fait partie des 2 identifiables (le vagabond marchant pour quiconque) montrés sur le plateau personnel du personnage en question.

De quoi interroger la/le participant.e, afin de découvrir s’il s’agit de sa réelle identité. Subtilité en cas de vagabond, il sera nécessaire de le repérer 2 fois. Et d’ainsi l’emporter si tel est le cas ou au bout de 4 jetons chapardés évidemment. En en conservant et atteignant les 12 saisons, on palliera à un manque de victimes. Et le nombre 25 pourra ainsi être rejoint pour une « égalité », plutôt dans la défaite des 2 parts.

La Bete

Entre le travail d’Ann&Seb et de Benjamin Treilhou, La Bête nous délivre un matériel très prenant. Nous plongeant dans l’ambiance d’époque avec férocité, particulièrement via tous ses détails sur le plateau. Un matériel d’autant plus attirant par ses Meeples, aux formes en corrélation avec les identités des enquêteurs.

Conclusion

L’alchimie entre bluff et déduction, au sein d’une profonde aventure d’enquête/placement/déplacement, fait de La Bête un jeu d’une impressionnante richesse et aux excitantes sensations. L’ensemble galvanisé par un matériel de haut niveau et très complet.