Les féru(e)s de Lise Syven pourront découvrir une nouvelle mèche de son attirail d’auteure. En effet, elle coupe son élan de littérature de l’imaginaire et ses prochains projets dans un style fantastique, pour nous porter vers un thème plus réaliste avec À un Cheveu.
Matthéo, en terminale à Paris, n’allait pas si mal jusqu’ici. Mais la calvitie lui tomba dessus, tel un cheveu sur la soupe. D’accord, on arrête les jeux de mots trop faciles, mais le titre À un Cheveu nous y pousse. Dans ce monde où la moindre différence avec la majorité vous fait passer pour un(e) pestiféré(e), le garçon se retrouve plus que jamais repoussé dans son univers impitoyable : le lycée !
Sujet aux moqueries certes, mais on se taquine toutes et tous. Là où les galéjades entre adolescent(e)s trouvent leurs limites, c’est lorsqu’elles touchent notamment au vol et à la violence. Notre personnage principal est justement victime de harcèlement physique et moral. Ainsi que de vol. Sa Nemesis, Jasper, n’hésitant pas à s’accaparer la casquette de Matthéo. Élément si essentiel pour ce dernier, se sentant moins mal en la portant, afin de dissimuler sa tonsure.
Malheureusement, à l’instar des établissements scolaires dans la réalité, le corps enseignant, les surveillant(e)s et le fin du fin : le proviseur, n’arborent pas une casquette, mais de mirifiques œillères et bouchons d’oreilles.
Si l’on a un semblant de cœur, on se retrouve souvent bouleversé(e) par les malheurs de Matt’. Surtout que l’auteure ne tombe pas dans le pathos, pouvant en faire trop et faire lâcher prise une partie du lectorat d’À un Cheveu. La simplicité si réaliste avec laquelle sont dépeintes les situations nous touche. Ou vous amuse si vous êtes du genre à persécuter autrui.
L’adolescence, ce sont également les premiers émois, toi et moi, caché(e)s dans les rochers. Sur ce point le jeune homme n’est pas expérimenté et rêve pourtant en secret de Suraya. Qu’elle devienne sa maîtresse, pour lui tirer ses tresses. Il faut avouer que si pour Matthéo son souci capillaire est tabou, on le comprend, il adore décrire les cheveux des autres, les admirer, les sentir. Il nous semble un chouïa féticheveux. Vous avez saisi la fusion. Mais comment oser lui clamer ce qu’il ressent (c’est surtout physique car il ne la connait vraiment pas), alors qu’il est, si ce n’est LA, l’une des risées du bahut.
Jusqu’au jour de l‘arrivée chez lui de sa cousine Andréa. Légèrement plus âgée, cette dernière n’a vraiment pas de bol dans sa vie, du moins ces derniers temps. Alors qu’elle nous semble si géniale. Peut-être trop. On a tellement envie qu’elle soit notre cousine, notre sœur, notre fille, notre compagne, enfin pas tout à la fois. Celle-ci plutôt avertie sur tous les sujets, motive son cousin, ainsi que le cadre familial, à savoir sa mère, son père et sa petite sœur, de son surnom Poukito, à porter un complément capillaire.
On aurait pu croire que Poukito proposerait un sombrero, vous comprendrez en lisant À un Cheveu. Idée se tenant, au même titre que tout raser ou assumer. Cependant arborer un postiche, fait de vrais cheveux ou non, tout à coup au lycée, risquerait d’amener une nouvelle vague de discussions et de quolibets envers sa personne, en sachant qu’il n’est pas du genre à rétorquer.
En revanche, tenter en dehors de ce cadre, pourquoi pas ? C’est ce qu’il a en vue pour l’an prochain, en espérant partir dans une école où personne ne le connait, à Rennes ou à Brest. Il désire donc potentiellement faire un Paris-Brest, aucun rapport avec La Mafia des Bonbons. Toutefois de longs mois restent à passer et il essaie son nouvel ami couvre-crane, en étant de sortie. Si bien qu’il aura beau d’emblée croiser des élèves de son lycée, elles ne le reconnaîtront pas.
Y compris Suraya, ni même Léane. Sa copine aux cheveux de feu, aux yeux d’émeraude et au tempérament passionné. Ce que découvrira Paul, l’identité de Matthéo quand personne ne le reconnait grâce à sa houppette. L’effet Clark Kent avec/sans mèche et avec/sans lunettes. Du moins du côté pile. Car de l’autre côté, c’est une sale petite effrontée, n’hésitant pas à se moquer de Matthéo.
Décidera-t-il de jouer de cette volte-face de sa part ? De séduire Suraya ? Et choisira-t-il de régler ses problèmes scolaires avec sa nouvelle coupe ? Ou bien continuera-t-il de s’enfermer dans sa chambre, en jouant en ligne à Skydust, tout en pensant au Dr Who et en ayant des goûts musicaux étranges pour quelqu’un considéré comme un sale geek ? On n’en révélera évidement pas davantage.
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Conclusion
Poignant, non sans une bonne dose d’humour contrastant certaines situations difficiles, À un Cheveu remuera quiconque n’ayant pas mauvais fond. Le genre de livres à partager, notamment dans les établissements scolaires. Et pas qu’aux élèves, loin de là, car c’est à l’encadrement de se bouger pour éviter les dérives. Tandis que d’autre part, l’on suit notamment l’aventure de Matthéo, car l’on n’oublie pas notre chouchoute Andréa, jonchée de tout un tas d’interrogations sur les relations avec autrui. Un ouvrage servant à tout âge, enfin peut-être pas à celui de Poukito. On la laisse jouer au foot sur la console en attendant.