Comme nombre de projets vidéoludiques, du parcours des premières ébauches au moment où l’on télécharge/insère son disque dans son mange-disque est parfois chaotique comme jamais. C’est le cas pour ce jeu de rôle classico-classique imbibé de l’ambiance tellement loufoque de ce cher Trey Parker et de son acolyte Matt Stone. Ainsi, le passage de (feu) THQ à Ubisoft a-t-il fait du tort à ce projet ou sommes-nous face au très attendu produit dérivé très fidèle et qualitatif ?
Clairement, j’ignore comment pouvait être le projet d’origine, mais fort est de constater que le résultat est absolument succulent. Alors, bien sûr, trois publics sont concernés (ou non). Le premier c’est ceux qui ne supportent pas l’univers vulgaire (mais jouissif) et politiquement incorrect (mais authentique) de South Park. Alors, là, rien ne sert de s’infliger des dizaines d’heures de supplice. Il y a le public qui connaît toutes les références par cœur. Celui-là va prendre un pied incroyable. Des centaines d’éléments musicaux ou visuels liés à la culture populaire mais aussi aux tendances du moment sont ainsi incorporés dans le jeu. Enfin, il y a le public intermédiaire. Ceux qui adhèrent totalement à South Park mais ne connaissent pas la marque des calçons de Cartman ou encore comment Kenny peut revenir inlassablement en multipliant les idées loufoques pour claquer à chaque épisode. Je suis de ceux-là.
South Park Le Bâton de la Vérité opte pour le genre jeu de rôle. Disons même le jeu de rôle à la japonaise, au tout par tour. Disons carrément le jeu de rôle japonais oldschool des années 80. Les personnages s’attaquent (après un écran de transition) les uns après les autres. Des potions permettent de retarder l’inévitable et des sorts et invocations permettent de se défaire des ennemis. Mais tout cela, c’est sans compter la surcouche inimitable de South Park. Les potions de résurrections deviennent des tacos, les classiques attaques de feu et de glace sont remplacées par des flatulences contrôlées ou l’appel de personnages atypiques de la série sont tout bonnement incroyables. L’invocation de M. Esclave (un homosexuel assumé qui… non, je ne peux pas décrire ce qu’il fait à ses ennemis !) est un bonne exemple de l’absence de limite, inhérente à South Park. D’ailleurs, South Park c’est toujours ça aptekaleki24 : cette bulle intact de l’infiniment incorrect sur tous les plans. Ainsi, le jeu te propose une classe « juif » à côté du guerrier et du mage, te mets face à une horde d’humains nazi zombies suite à des expériences extraterrestres, en gros, faire un gros doigt d’honneur à tous les tabous. Et c’est pour cela que l’on adore ou que l’on déteste cette univers. Ce Bâton de la Vérité, en ce sens, fait totalement honneur à l’oeuvre d’origine.
Au niveau narratif, Le bâton de la Vérité pastiche l’univers de Tolkien, allégrement. Cartman joue le rôle d’un mage fédérateur, ou encore, Kenny, la princesse esseulée. Et là intervient un avatar créé de toute pièce (appelé par Cartman « Connard ») : vous. Vous êtes le fraîchement débarqué à South Park. Vos parents s’inquiètent mais finalement, même sans parole, vous allez vous faire une horde d’amis en tout genre. En sortant dehors, vous prenez connaissance des jouissances du coin et apprenez que le plupart des enfants se disputent le fameux Bâton de la vérité (une vulgaire branche mais… chut !!!!). Tout comme un jeu de rôle classique et respectueux, ce South Park contient un nombre de quêtes d’importance. Mais aussi nombre de quêtes minoritaires. L’une comme l’autre sont finement réalisées (à niveau du visuel un peu infantile et maladroit de la série d’origine, entendons-nous !) et permet une et une seule chose : faire jaillir un nombre incroyables de références et jouer la carte du fan-service à 3000%.
Et, c’est que ça marche rudement bien. Ainsi ce « Bâton de la Vérité » ne brille pas par son gameplay – RPG au tour par tour classique mais pourtant ultra dynamique – mais par la maîtrise de ce dernier et l’incroyable respect de l’univers loufoque de South Park. Au niveau technique, on retrouve le même effet « papiers bricolés » inhérent à la série. Ca fait sourire tellement c’est ridicule. Au niveau sonore, on ne pourra profiter que des voix anglophones. Mais quelles voix : il s’agit de tous les doubleurs d’origine. Ainsi, l’absence de langue française peut être un frein (mais ça serait bien dommage). Au niveau musical, Le Bâton de la vérité est en totale inadéquation avec son visuel. C’est chantant, épique, très joli même. Ca colle finalement totalement avec le côté WTF que l’on retrouve dans chaque scène.
Au niveau des choses qui fâchent, seule la version PC est non censurée. En Europe, les versions consoles sont charcutées de quelques écrans de censure assez frustrants. À vos risques et périls donc. Sur PC, les chargements sont fréquents mais finalement assez légers. Leur récurrence freinera quand même un peu la progression. Finalement, tout ce qu’il faut savoir sur South Park : Le Bâton de la Vérité, c’est que si vous n’aimez pas l’univers, ça n’ira pas mieux avec cet essai vidéoludique. Par contre, si vous appréciez fortement South Park ou, pire, que vous connaissez le nom de chaque Chinpakomon, que chaque référence vous rappellera un moment de délire notoire et que l’humour de South Park est une sorte de religion pour vous : ça serait un crime de passer à côté. Une pure réussite (et pourtant je les connais pas tous les Chinpakomon !).
Les plus :
- L’univers ultra fidèle de South Park (les références aux différents épisodes sont innombrables)
- Un RPG classique mais maîtrisé jusqu’au bout des doigts (et plus varié qu’il n’en a l’air)
- Une bonne durée de vie
- Des quêtes principales et annexes aussi intéressantes
Les moins :
- La VOSTFR (très bonne mais obligeant à lire très rapidement)
- La censure dans la version console
Ma note : 4,5/5