Critique du roman La vie vue d’en bas

De nombreuses sorties littéraires ont eu lieu lors de la Journée Internationale des Droits des Femmes et autour de cette période. Parmi elles, figure le roman La vie vue d’en bas (Milan) de Stacey Lee, traduit par Alison Jacquet-Robert et illustré par Marta Pantaleo. Au cours duquel Jo ne fera pas que lutter, face au simple fait d’être une fille.

La vie vue d'en bas

Si théoriquement naître fille s’avère tout ce qu’il y a de plus naturel et ne devrait souffrir, comme tout le reste, d’aucune discrimination, malheureusement la réalité est tout autre. Qui plus est Jo, héroïne de La vie vue d’en bas, cumule les soucis qui ne devraient pas en être. Du haut de ses 17 ans, elle est en plus chinoise aux États-Unis, en 1890. Fin de guerre de Sécession encore brûlante. Elle n’a en plus, fort heureusement, pas la langue dans sa poche. Mais pour couronner le tout, elle a la malchance de tomber à Atlanta. Aujourd’hui, le brassage massif des cultures sur place fait que la ville a évolué. Cependant comme systématiquement dans un tel cas, le racisme omniprésent depuis toujours continue de s’y renforcer d’autre part. Mais en ce temps, c’était carrément Géorgie fais-moi peur !

Et même si heureusement cela n’est pas le cas chez tout le monde, cela n’empêche pas même les personnes non fascistes de céder aux pressions. Comme la patronne de Jo, la licenciant suite à des remarques de la clientèle. Il faut avouer que les phrases cinglantes de l’adolescente sur les physiques des dames, lorsqu’elles viennent acheter un chapeau, ne jouent en sa faveur. Cependant il paraîtrait que sa collègue Lizzie soit du même acabit. Mais en revanche moins aguerrie, moins passionnée par ce métier et moins chinoise. L’injustice se fait déjà ressentir, à peine l’histoire débutée. Mais pour subvenir aux besoins d’elle-même et de son « grand-père » Old Gin, elle doit retourner au poste de domestique chez les Payne. Dont elle s’est faite virer plus jeune. Ceci sans une seule explication.

Un travail qui cette fois ne la fait pas rêver, même si la famille et les conditions ne sont pas les pires. Tout en retrouvant Noemi, elle afro-américaine, tenant notamment la cuisine avec brio. Une belle amitié, nous faisant souvent rire. Entre leur envie de prendre soin d’Old Gin, s’effaçant toujours au profit des autres et surtout de Jo. Et les rigolotes piques à propos de Caroline, la fille de la maison, ayant grandi avec notre héroïne.

Malheureusement pour nos duettistes, celle-ci a plutôt tendance à être la peste de « bonne famille ». Mais sans ne rien vous gâcher, vous constaterez qu’elle a beaucoup plus à proposer, à l’instar des différents personnages. La galerie des principaux et secondaires, est gorgée de révélations rendant chacun important et profond. Cela tombe bien pour Jo, qui au fil de l’aventure, enquêtera tant pour des raisons altruistes, que personnelles. Entre autres avec l’aide de son ami Robbie. Notamment à propos de ses parents, Old Gin l’ayant recueillie quand elle était petite.

Le duo vivant depuis dans le sous-sol des Bell, sans que la famille, la chienne Patience, la femme, le mari et leur fils Nathan, ne s’en rende compte. Alors que la jeune fille peut elle tantôt entendre leur conversation. Notamment à propos du journal, entreprise de la famille, dont les ventes faiblissent drastiquement. Tandis qu’à force d’être choquée par ce qu’elle découvre de la vie, par rapport aux femmes dans un premier temps, notre modiste/domestique, se transforme en chroniqueuse clandestine.

Néanmoins en conservant son identité secrète et en proposant ses services gracieusement, par courrier, au trio familial habitant juste au-dessus. Ses savoureux articles nous seront partagés. Démontrant à quel point elle s’avère concernée par la société. Dont par la course organisée par les Payne, où les dames doivent inviter à l’évènement et non l’inverse. Ce qui choque beaucoup de monde. De quoi en retourner l’adolescente et pour cause ! Et les sujets iront bon train, particulièrement en voyant la politique à 2 vitesses des Suffragettes. Au fil du succès, on aura également droit à des échanges épistolaires entre les accros à Miss Sweetie, son pseudonyme, et cette dernière. Souvent sur un ton aussi engagé, qu’hilarant.

En parallèle à l’humour omniprésent, dans cette expérience à la fois très dure, la romance n’est jamais bien loin. Mais on ne vous en confiera pas davantage. Demandez-vous juste si des liens se tisseront, entre les protagonistes de cette maison représentée par Marta Pantaleo en couverture.

Conclusion

Poussant autant à la réflexion, qu’émouvant, La vie vue d’en bas a beau nous dépeindre un contexte historique d’il y a plus de 100 ans, on se rend compte à quel point les choses sont loin d’avoir changé.