Depuis une trentaine d’années, Prince of Persia nous ensorcèle. De son premier épisode révolutionnaire chez Broderbund, avec quasi que Jordan Mechner derrière. Au relancement de la licence au début des années 2000 chez Ubisoft, puis ses suites, voire son film chez Disney (ndla : pas vu, donc pas d’avis), constamment cet univers a su apporter énormément au milieu vidéo-ludique de son époque. Une licence dont on découvrira les premiers rouages et plus encore, via La création de Prince of Persia – Carnets de bord de Jordan Mechner 1985-1993. Un livre très différent de la majorité de ceux que l’on retrouve chez Third Éditions.
Premier élément à propos de cette différence, nous traitons régulièrement d’ouvrages, mais pas chez tous, de l’éditeur n’ayant aucune image, hormis les superbes couvertures. Ce qui ne s’avère d’ailleurs pas un défaut, contrairement à ce que l’on a pu lire dans certaines critiques. Nul besoin de s’épancher sur ce point, on ne comprendra jamais comment un livre se basant sur 100% de textes, peut recevoir comme reproche de ne pas avoir d’images. Cela reviendrait à affirmer des choses du genre : dommage que Prince of Persia ne soit pas une simulation de ski se déroulant en Roumanie.
Ici, on bénéficie donc d’éléments visuels et pas là pour le paraître. On y retrouve des papiers ou encore clichés des vidéos servant à la motion capture d’époque pour POP. Sans omettre les affiches, coupures de presse tel le classement des ventes de jeux… Et bien d’autres images sur un peu tout le jalonnement du parcours de l’homme et de l’artiste, durant la période citée dans le titre.
Si ce sont les originaux qui nous sont bel et bien présentés, l’auteur nous gratifie en marge de quelques dessins contemporains. Avec de brèves caricatures des personnes évoquées. Un lieu d’expression lui octroyant le moyen d’inclure certaines précisions, par rapport aux documents d’époque. Tant visuels, que textuels, en l’occurrence ses fameux carnets de bord. Ces derniers qui s’avèrent le cœur du bouquin. Et qui n’ont fort justement pas été retouchés. Permettant de ressentir le phrasé d’un plus jeune Jordan Mechner. Allant en plus vite alors, pour résumer ce qu’il se déroulait dans sa vie.
Comme vous l’aurez compris, on démarre l’aventure en 1985, alors qu’il n’est pas encore diplômé de Yale. Néanmoins son premier jeu vidéo Karateka se vend de mieux en mieux. Et viennent désormais les grandes interrogations. Que faire ? Où ? Avec qui ? Se lancer dans l’écriture d’un nouveau jeu vidéo, pourquoi pas ? Mais le marché se casse la figure et l’on se demande à cet instant, si le JV ne fut pas qu’une fugace mode.
Alors que le 7e Art cartonne lui toujours plus. Il y fait d’ailleurs part de ses impressions, par exemple envers The Goonies. Cela l’attire énormément. L’envie d’écrire des scénarios à Hollywood se fait ressentir. Plutôt que, citation : « perdre un an » pour créer un jeu vidéo pour probablement pas grand-chose au final. Rien que cette partie passionne déjà, sans même avoir besoin de s’intéresser au monde vidéo-ludique. Tant l’on ressent à quel point un fabuleux destin s’est joué à des détails.
D’autant plus que ses écrits respirent la vie ! Ses doutes, ses tracas, ses songes sur tous les sujets… Notamment l’anticipation de négociations, les relations avec autrui… Le tout mêlé à ce qui se déroule à côté. Comme des passages sur sa famille, des traits d’humour par rapport aux situations… On se demande même fréquemment ce que telle ou telle personne songera en voyant ce qu’il avait annoté à tel moment.
On suivra également le processus créatif au niveau technique, lui aussi fortement révolutionnaire. Offrant des mouvements encore mythiques aujourd’hui. Tout en n’ayant que peu de moyens pour s’en occuper avec son frère. Puis la machine s’emballera, mais tels d’excellents longs-métrages, chers à Jordan Mechner, on vous laissera en découvrir les multiples rebondissements. Allant au-delà de la sortie initiale du jeu. Pour une fin heureuse ? Pour le savoir, il vous faudra soulever la charmante couverture à l’ancienne concoctée par Ken Bruno. Tandis que la réversible de la version First Print, nous entraîne dans une chaude démence, grâce au dessin de Katsuya Terada.
Conclusion
Découvrir les notes d’époque, avant même que les mille et une nuits ne fassent leur apparition dans la tête de l’artiste, jusqu’à son succès, s’avère aussi absorbant, qu’instructif, drôle et touchant. La création de Prince of Persia – Carnets de bord de Jordan Mechner 1985-1993 révélant des précisions sur toutes les étapes, loin de ne figurer que dans le créatif. Tout en s’entremêlant à des choix de vie capitaux. Et on ne peut que le féliciter de les avoir pris. Sans quoi on serait passé à côté d’une immense franchise, symbolisant la plateforme/action.