Difficile de marier la série de jeux Ace Attorney avec le Battle Royale de Fukasaku, le tout dans un huis clos machiavélique. C’est pourtant avec maestria que Kazutaka Kodaka s’en est sorti lorsqu’il a créé Danganronpa, puis réitéré avec un second épisode tout aussi fabuleux. Après un spin-off sympatoche mais loin des 2 premiers volets, la série passe la troisième avec un épisode intitulé V3 Killing Harmony et comme le dirait Monokuma, l’ourson complètement taré qui régit ce massacre entre camarade de classe : » Oupou-poupou ! C’est reparti pour une petite tuerie ! »
Petit meurtre entre amis
Pour les quelques malandrins étant passés à coté des 2 premiers épisodes, par préjugé concernant le character design ou par simple flemme à l’idée de passer 80% du jeu à zapper du texte, sachez que Danganronpa est probablement la série de Visual Novel la plus déjantée et brillante qu’il soit.
La série de Team DR dispose d’une esthétique très personnelle, que ça soit pour ses références au Kamishibai avec ses personnages et ses objets plats dans des décors en 3D, ou grâce à un character design très particulier. Le tout enrobé de meurtre au sang rose fluo et d’un ourson monochrome psychopathe pour juge et bourreau. Quand on voit le tableau, forcement Danganronpa marque indubitablement le paysage du Visual Novel.
Comme je le signalais plus haut, Danganronpa est la parfaite synthèse de la série Ace Attorney de Capcom, du film Battle Royale et d’un Cluedo. Pour résumer brièvement, vous incarnez un étudiant intégré souvent à son insu dans une académie recrutant uniquement des surdoués, que l’on surnomme les « Ultimes ». Ces étudiants « Ultimes » sont donc spécialisés dans des catégories très éclectiques, tel que la magicienne Ultime, la championne de Natation Ultime, la pianiste Ultime, etc.
Le soucis arrive au moment ou vous remarquerez qu’il vous sera impossible de vous enfuir de cette école sans respecter une condition, assassiner l’un de vos camarades de classe et réussir un procès où sont conviés tous les élèves restant sans être reconnu coupable. Le tout sous l’œil robotisé d’un ourson monochrome dont le seul et unique but semble être de vous martyriser dans la joie et la bonne humeur.
Juge, bourreau et ourson psychopathe
Dans Danganronpa V3, les règles sont inchangés, sauf que ce n’est pas dans une école ou même sur une île que vous évoluerez, mais sur tout un campus universitaire vous réservant forcement des tonnes de surprises. Vous y incarnerez Kaede Akamatsu, la pianiste Ultime qui se liera très vite d’amitié avec Shuichi Saihara le détective Ultime, et dont votre seul et unique but sera de mettre fin à ce jeu de la mort. Mais Monokuma n’est pas venu seul pour ce troisième opus, celui-ci a décidé de convier ses enfants à la fête, les Monokumers. Tout aussi débile que leur papounet, ces oursons habillés aux couleurs des Sentai, disposent des répliques les plus absurdes de cet épisode.
Concrètement, le déroulement du jeu vous laisse en général 2 jours de temps libre afin d’explorez le campus et d’augmenter votre affinité avec les 17 autres étudiants coincés dans la même galère que vous. Puis un meurtre à lieu, forcément Monokuma forcera le passage à l’acte à l’aide d’une petite prise d’otage des familles ou d’un autre mobile alambiqué. Par conséquent il y aura toujours l’un de vos comparses qui pétera un boulon sous l’effet de la pression et commettra le premier assassinat d’une longue série.
A la suite du meurtre vous devrez cherchez tous les indices pouvant vous mettre sur la piste de l’assassin qui est obligatoirement l’un d’entre vous, vos recherches pourront s’étendre sur tout le campus modélisés dans une 3D un peu vieillotte mais qui fera largement le job. L’indication des points d’intérêts sur la map, ainsi que la possibilité de se téléporter aux 4 coins de celle-ci seront la pour facilités vos recherches.
Lorsque vous avez découvert tous les indices liés au meurtre, Monokuma annonce automatiquement de vous rendre sur le lieu du procès. Lors de ce dernier où les 18 élèves sont réunis, votre but sera de démasquer le meurtrier afin que vous, ainsi que les autres étudiants ultimes puissiez survivre. Pour cela vous dirigerez un curseur à l’aide duquel vous devrez littéralement tirer sur la phrase afin de contredire l’argumentation adverse.
Joutes verbales
La plupart du temps, de nombreux rebondissements pendant les procès donneront lieux à des mini-games récurant servant de métaphore à la réflexion de notre protagoniste. Cela donne des procès souvent exceptionnels à jouer, que cela soit pour leur rythme ultra soutenu, pour la variété du gameplay, pour la mauvaise fois hilarante des intervenants, mais également pour l’ingéniosité dont à fait preuve le meurtrier pour arriver à ses fins. Lorsque l’assassin est démasqué, celui-ci est condamné à mort par Monokuma qui passe du juge au bourreau, en utilisant une façon sadique et grotesque d’éliminer le meurtrier. Le tout sous les yeux médusés des autres participants.
La tonalité du titre est pourtant toujours très équilibré et ne vire jamais dans le gore mais rebondit plutôt sur la corde de l’ironie macabre, entre grotesque et débile, accompagné d’un Monokuma souvent mort de rire devant son acte de barbarie. Après cela vous retournerez difficilement à votre vie sur le campus, et libérerez de nouvelles zones jusqu’à ce que la boucle meurtrière reprenne.
Malgré les clichés et préjugés de première minute, la majeure partie des personnages sortent de l’ordinaire. Que cela soit l’hystérique vulgaire et perverse, l’aïkidoka lesbienne refoulée, la gamine qui converse constamment avec dieu, le balèze élevé par des loups, bref une belle brochette de tarés qui vous feront rire par leur répliques et ne manqueront pas de vous surprendre maintes et maintes fois au cours de l’aventure.
Ces personnages disposent tous d’une psychologie à tiroir qui s’ouvre au fur et à mesure des 6 chapitres du jeu. Il est intéressant de voir que notre premier jugement sur un personnage est souvent à coté de la plaque, où bien même que l’on refuse tout simplement de soupçonner lors des procès un personnage pour lequel on éprouve de l’affection.
Le désespoir fait vivre
Ainsi, chaque mort survenant au court de Danganronpa V3 rend les personnages (qu’ils soient encore en vie ou non) encore plus attachant qu’ils ne l’étaient auparavant. Et finalement chaque temps libre passé avec les protagonistes restant au fil du jeu vous semble bien trop court. En votre for intérieur vous savez que cela est éphémère et peut être que les personnages que vous appréciez le plus mourront sans doute au prochain chapitre.
C’est la que Danganronpa V3 rivalise de génie avec ses aînés, car il est l’un des rares jeux à créer une telle empathie avec ses personnages, paradoxalement grâce à son contexte meurtrier. C’est au final ce qui fait l’intérêt de Danganronpa plus encore que ses formidables phases de procès. Pas grand chose rayon nouveauté, quelques mini-games et autres systèmes de jeu inédit viennent agrémenter les procès comme le clash d’opinion ou la possibilité de mentir.
Il est également possible d’éjecter certains élément du décor, cette « feature » n’a pas grand intérêt dans la mesure où elle ne sert pas pour trouver des indices qui seraient cachés derrières certains éléments du décor, mais afin de trouver des pièces qui permettront d’acheter des objets aléatoire à la roulette de Monokuma.
Tout comme dans les anciens épisodes, ces mêmes objets seront utiles afin d’augmenter votre degré d’affinité avec les différents protagonistes. Cela débloquera des points d’affinités eux même utilisés afin d’acheter des compétences qui serviront lors des procès. Comme par exemple accélérer le curseur, augmenter la concentration et la possibilité de ralentir les arguments balancés à l’écran, conférer des bonus durant différents mini-games, etc.
Malgré que Danganronpa V3 soit un épisode abordable et même conseillé aux néophytes des Visual Novel, ces derniers doivent être néanmoins prévenus sur certains points. Comme je le soulignais plus haut, vous passerez le plus clair de votre temps à lire du texte. Du texte bien écrit, du texte drôle et génial mais du texte. D’ailleurs cet épisode est le premier à disposer d’une excellente traduction française malgré quelque problème de localisation. De plus vous aurez toujours la possibilité de mettre les voix japonaises.
Autres point, la durée de vie avoisinant les 60 heures, peut parfois donner l’impression de subir le texte. Donc si lire dans un jeu vous procure de l’urticaire ou si cela va à l’encontre même de votre conception du jeu vidéo, autant éviter de vous y frotter. Mais pour les curieux, pour ceux qui veulent essayer d’autres forme que le jeu vidéo a à vous offrir, vous pouvez foncez les yeux fermer.
Car si la lecture ne vous dérange pas outre mesure, vous tomberez nez à nez avec un scenario mémorable, emplit de cliffhanger scénaristiques et de personnages complètements WTF. Celui-ci se permet même de nombreuses références liées aux jeux vidéo, à l’animation japonaise ou au cinéma.
Danganronpa V3 n‘oublie heureusement pas les fans de la première heure, en se servant habilement des clichés des épisodes précédent pour mieux surprendre, les situations imaginées par les développeurs se renouvellent sans cesse. Les dernières heures de jeux contiennent d’ailleurs de nombreux liens avec les 2 premiers épisodes qui ne gêneront pas pour autant les nouveaux venus dans la bonne compréhension du scenario mais seront néanmoins un plus indéniable pour ceux qui ont fait les précédents opus.
Conclusion
Même après un 3ème épisode de Danganronpa, cet opus utilise brillamment les clichés et situations déjà vu précédemment pour accentuer l’effet de surprise. En ce sens le premier et dernier procès sont justes mémorables, le tout servi par une galerie de personnage toujours aussi fabuleuse. Quant au scénario, il parviendra encore à vous surprendre par un twist spectaculaire qui ne laissera aucun joueurs de marbre. Celui-ci se permettra notamment d’éclater totalement le 4ème mur, le temps de vous laisser digérer les révélations incroyables balancées par l’instigateur de ce jeu de la mort. Bref, c’est du tout bon, quant aux nouveaux venus pour qui lire ne constitue pas une phobie, c’est le bon moment pour découvrir cette fabuleuse série.
Les plus :
- Un système encore amélioré surtout durant les procès
- Le top en matière de scénario et de personnages réussis
- L’attachement que l’on éprouve pour les personnages
- Monokuma et les Monokumers
- Monokuma et ses réflexions sur l’absurdité de la vie
- Traduit en français pour la première fois et bien adapté, avec voix japonaise de surcroît (texte français et voix japonaise à télécharger gratuitement sur Vita)
- Les musiques toujours excellentes malgré le peu de nouvelles pistes
Les moins :
- Quelques soucis de localisation
- Un peu vulgaire par rapport aux autres épisodes
- Techniquement au rabais
- Il faut aimer la lecture
- Des mini-jeux pas toujours réussis
Note : 4/5