Telle une déclaration d’amour nostalgique, Shovel Knight respire la passion et l’aventure dans chacun de ses pixels. Et ses pixels on les voit nettement puisqu’il s’agit de l’un de ces nombreux projets 8-bits que l’on voit fleurir ici et là via la scène indépendante du jeu vidéo. Si l’offre est pléthorique dans ce secteur, on retrouve néanmoins des choses qui sortent du lot. Et, joie, ce chevalier à la pelle sort clairement du lot. Pourquoi ?
L’amour de la communauté
Avec ses couleurs volontairement minimalistes, le design de Shovel Knight vaut le détour, ne serait-ce que par ses quelques fonds d’écran inspirés et surtout techniquement absents de ses emprunts 80’s.
Le financement participatif (Kickstarter ici) à ça de positif qu’il permet la création des projets les plus farfelus. Sortir Shovel Knight il y a dix ans aurait pu paraître suicidaire mais aujourd’hui, au milieu des années 2010’s, c’est ultra tendance. Et avec son visuel en pixel-art, le jeu arrive pourtant à se différencier. L’histoire n’est pourtant pas follement originale : Shovel Knight et sa partenaire (en combat et dans le lit conjugal), Shield Knight, se prennent la pâtée par la diabolique Enchanteresse. Avec son allure de Maléfique – l’ultime ennemie de la Belle au bois dormant – cette dernière évoque les plus grands clichés de la méchanceté. Point de départ : Shield Knight se retrouve prisonnière dans la Tour du Destin. Alors que, de son côté, le fameux chevalier à la pelle se retrouve tout penaud et solitaire. De là, on retrouve un peu le leitmotiv de la saga de Nintendo avec son plombier moustachu ventripotent. Mais Yacht Club Games ne s’arrête pas là et fait clairement l’éloge programmé du platformer des 80’s.
Un subtil cocktail nostalgique mais non désuet
Shovel Knight ne recule devant aucun ennemi, petits ou grands. La technique du « pogo stick » est utile dans bien des cas à cause du manque d’allonge du personnage.
Ainsi, si tout débute par une romance un peu naïve, notre héros a sa pleine motivation et va devoir passer sur le corps de huit chevaliers un peu dingues et, surtout, auto-proclamés propriétaires de plusieurs contrées. Qu’il s’agisse de verts pâturages, de grottes remplies de lave bouillonnante ou encore de glaciers glissants et les pics mortelles qui vont avec : le jeu propose un melting-pot d’influences. On retrouve ainsi un peu de Megaman, une touche de Castlevania à l’ancienne, un saut à la Duck Tales (le bon vieux pogo stick) et un level design qui va piocher dans tout ce qui se fait de mieux depuis que le jeu de plateforme 2D existe. Carrément ? Carrément. En réalité, Shovel Knight n’est pas qu’un simple délire de passionnés nostalgiques. Il emprunte, améliore et actualise des mécaniques vieilles de près de trente ans. Bien évidemment, avec le peu de recul qu’on avait à l’époque, on pouvait difficilement dire que c’était aussi bon. Et si Shovel Knight sort du lot par rapport à ses très nombreux concurrents, c’est parce qu’il offre un équilibre de tous ces éléments absolument jouissif. La crainte que l’on peut avoir, pourtant, c’est de se dire qu’il ne s’agit que d’une coquille vide qui n’arrive qu’à se démarquer par ses inspirations d’un autre temps. Que nenni. En réalité, Shovel Knight ne fait qu’emprunter la substance de ses pairs et se crée finalement sa propre personnalité et, surtout, sa propre ambiance.
L’art de l’emprunt et du level design talentueux
À la fin de chaque niveau, notre preux chevalier se repose au coin du feu. Outre quelques bonus, c’est à ce moment où il peut repenser à sa dulcinée.
Dans la pratique, le jeu propose une carte afin de se déplacer aisément (judicieusement inspirée, notamment, de Super Mario Bros 3). Plusieurs chemins sont accessibles et la plupart des zones servent à traverser les longs niveaux presque toujours terminés par un des chevaliers. Entre deux mises en danger, notre chevalier pourra cependant tailler une bavette avec les gens du coin, au village. L’intérêt est multiple : premièrement, il y a souvent des situations cocasses, et deuxièmement, et surtout, les rencontres peuvent être salutaires et permettre d’échanger votre butin contre de nouvelles armes, des améliorations de santé ou de magie et, profiter d’armures alternatives. À l’instar des Frères Marto/Boomerangs de Super Mario Bros 3, deux trois personnages instables à la gâchette facile ou au poing qui démange attendent également Shovel Knight au détour d’une ruelle.
Le cœur du jeu c’est évidemment son level design de platformer pour joueurs aguerris. Construits de manière analogue, les niveaux sont découpés par plusieurs chekpoints. C’est notamment là que le jeu trouve son originalité. En effet, ces chekpoints, sous forme de sphères en cristal, peuvent être brisées afin d’en récupérer le contenu. Ainsi, si l’on apprend que le studio Yacht Club avait pensé à l’inverse, la conséquence sera que ce point de contrôle sera détruit à tout jamais, sauf si vous quitter le niveau, ce qui déclenche la perte de tout ce qui a été récupéré. À chaque fois que la Mort vous fauche, vous laissez tomber une partie de votre butin. S’il faudra repasser par le passage mortel pour les récupérer, l’endroit où vous redémarrez, c’est logique, sera le dernier checkpoint encore intact. Bien que le jeu sauvegarde (automatiquement), les niveaux, longs par rapport aux vrais jeux des années 80, doivent se faire d’une traite. C’est aussi ça d’être un valeureux chevalier.
Du retro totalement actuel
Pour contrebalancer la contrainte des longues attaques ennemies, Shovel Knight peut utiliser l’un des skills récupérés ici et là. On retrouve ainsi plusieurs armes de jet bien utiles.
Au niveau technique, le chevalier à la pelle montre qu’il en a. Malgré une résolution volontairement amoindrie et un nombre de couleurs utilisées avec parcimonie, l’animation du soft est vraiment impressionnante et montre que le jeu est très actuel. Programmé avec talent, le masque de collision/hitbox qui entoure le protagoniste est d’une précision incroyable, ce qui est surtout visible pendant les combats contre les boss transpirant l’ode à la diversité et favorisant l’apprentissage par l’échec. Shovel Knight est ardu. Ainsi, le challenge est vraiment de taille. Mais la courbe de progression est réelle et on ressent une certaine fierté à s’être sorti d’un mauvais pas. De plus, comme si ça ne suffisait pas, un mode new game+ propose de s’en prendre une autre lampée avec une difficulté accrue. De vrais psychopathes chez Yacth Club Games ! Enfin, il est littéralement impossible de faire l’impasse sur la merveilleuse bande-son du jeu. On y retrouve une collaboration de rêve entre le très talentueux Jake Kaufman et la célèbre Manami Matsumae, une des compositrices de la saga Megaman/Rockman. Malgré la sonorité séculaire, chaque piste de cette BO est agréable, entraînante et originale. À l’instar du visuel et des mécaniques qui représentent, à eux seuls, un hommage considérable, la musique de Shovel Knight est ce qui se fait de mieux dans le domaine. Si le jeu est sorti depuis plusieurs mois sur PC et assimilés, les consoles Nintendo n’ont pu en profiter qu’au mois de novembre 2014. Pourquoi tant d’attente ? À cause du temps nécessaire pour proposer une magnifique localisation en français. Ainsi, Shovel Knight se permet même de proposer une narration légère comme tout mais particulièrement bien écrite malgré tout.
Conclusion
Loin d’être un simple gribouillis de Pixels, Shovel Knight bénéficie d’un character design varié et original.
Shovel Knight ou comment créer un pont spatiotemporel entre deux époques d’apparence si différentes. Le jeu de Yacht Club Games donne, de prime abord, l’impression de surfer sur la vague « cool-style » des jeux indépendants 8-bits génériques. Mais on se rend compte rapidement que si la plastique est aguicheuse – dans son genre –, le fond ne dépareille absolument pas. Un gameplay incroyablement maîtrisé, une difficulté de taille qui ne se confond pas avec de la frustration bête et méchante et un contenu plutôt correct (pour 15€). Dans sa catégorie, Shovel Knight atteint ainsi une perfection certaine qui pourra faire vibrer les nostalgiques et tenir en haleine les joueurs curieux plus contemporains.
Les plus
- Un hommage rétro généreux et cohérent
- Une bande originale chiptune inspirée et agréable…
- …Avec la collaboration de Manami Matsumae, la classe !
- Un très bon rapport qualité/quantité/prix
- Une variété de tous les instants
- Une difficulté présente mais non frustrante
- Traduit en français avec talent et professionnalisme (pour info : la version PC est en anglais !)
- Un plus indéniable avec le gamepad de la Wii U : visibilité permanente de l’inventaire de Shovel Knight !
Les moins
- Le gros pixel et le son ancien qui ne plairont pas à tout le monde
- Ça reste tout de même un peu rigide par moment
- Oh, et pourquoi n’y a-t-il pas de mode deux joueurs ?
Note : 5/5