Chronique bande dessinée Celle qui parle

Annoncer que Celle qui parle est un intitulé parlant à la vue de son sujet, serait peut-être un peu facile. Il n’empêche que cette B.D. d’Alicia Jaraba Abellan, a beaucoup à nous dire sur une énième figure féminine de l’histoire, que beaucoup d’hommes l’écrivant ont voulu faire taire. Si bien que les sources (on ne connait même son véritable nom historiquement) sont rares et que l’autrice les a rassemblées et mêlées à ses propres idées.

Celle qui parle

En 1511, dans le pluriculturel, langues comprises, territoire mexicain, vit Malinalli. Jeune fille d’une famille noble de clan. Attention, n’imaginez de châteaux, nous ne sommes en Europe. L’ambiance reste spartiate. D’ailleurs, ce clan dont elle est censée prendre un jour la succession de son défunt père, est loin de s’avérer puissant. Contrairement aux terribles Mexicas, qu’elle et sa famille craignent. S’il en va de même pour celui dirigeant le clan actuellement, conserver sa stature sans avoir cette enquiquineuse dans les jambes, s’avèrerait plus pratique. Elle qui n’en peut plus de cette oppression.

Toutefois à ne rester discrète en attendant son heure, elle est laissée comme esclave pour s’en débarrasser. Attention, cela serait arrivé à d’autres sinon. Et on ne vous cite pas toutes les horreurs d’emblée. Afin que vous puissiez en prendre la pleine mesure en découvrant l’ouvrage. Dans son malheur, elle a la chance de parler certes la langue de son peuple. Mais aussi celle des Mexicas, sous la férule de son père de son vivant. Une qualité qui lui permettra de se lier d’amitié avec des personnes d’autres peuples. Ainsi que de comprendre, voire anticiper les problèmes.

Ce qui progressivement, en plus du fait que celle qu’on appelle la Malinche soit très maligne et drôle, lui permettra de s’en sortir moins mal que d’autres. Avec toujours l’espoir de rentrer chez elle. Alors que finalement sa vie d’esclave était moins pénible qu’au départ, même si non enviable, le débarquement des conquistadors espagnols vint tout bouleverser. Mais une fois encore, ses capacités linguistiques l’aideront. Au fil des années et des rencontres, elle développera davantage encore ses connaissances dans le domaine. Notamment en apprenant ce qu’on imagine être le castillan, en tant qu’envoyés du roi. Car dans la péninsule Ibérique, on s’y connait aussi en territoires attachés à leur langue locale.

C’est alors son rôle crucial dans la sanglante conquête hispanique de l’Amérique désormais Latine, que nous découvrirons. Cette aventure baignant autant dans le dramatique, que le suspense si on la prend telle une fiction, on se demande continuellement ce qui arrivera à la page suivante. Tant par la folie guerrière et la soif d’or du capitaine espagnol Hernan Cortès, que l’éventuelle révolte de notre héroïne. Mais vers quel objectif ? Et on peut même vous glisser les révoltes. Car c’est aussi la condition des femmes, avec ce fameux terme de consentement tendance aujourd’hui, qui sera également mise en exergue. Davantage que sa fonction d’interprète déjà indispensable, c’est son soulèvement contre le viol qui marquera.

Conclusion

Passionnant et émouvant récit, Celle qui parle incite justement à en débattre. Cela tombe bien, puisque le 6 avril à Paris est organisée une conférence publique avec Alicia Jaraba Abellan et l’historienne Carmen Bernand.