On sait à quel point le football ou el fútbol, est davantage qu’une passion en Argentine. Yamile Saied Méndez nous le démontrera au travers de Furia (Slalom), traduit par Marie Tillol et bénéficiant d’annotations Lucie Hémeury (spécialiste de l’Argentine et d’histoire du sport), sauf qu’il n’est évident pour son héroïne Camila de l’affirmer, à tel point qu’elle doit jouer en cachette. Une histoire à émotions fortes, chez cette jeune femme en pleine affirmation d’elle-même, que l’on distingue en couverture sous le style si significatif de Clémence Gouy.
Issue d’un véritable mélange culturel, du haut de ses 17 ans Cami reste toutefois désormais bien ancrée dans celle argentine. En l’occurrence, une dévotion pour le football, notamment le club local. Pour sa famille à Rosario, ville de Mauro Cetto et de Lionel Messi, c’est le Rosario Central qui la fait vibrer. Mais elle soutient également le grand-frère, Pablo. Espoir du football albiceleste, gagnant déjà sa vie avec. Modestement pour l’instant toutefois et sur lequel l’entourage fonde de grands espoirs. Notamment pour qu’il puisse, comme son ancien équipier Diego, rejoindre un riche club européen. Non sans réels sentiments familiaux et pas ce côté gratteur, comme on le voit si souvent.
Enfin ça, on le pense durant un temps, mais on se rend bien compte que les mensonges et les pressions viennent de partout. Dur de se sortir de ce barrio et encore sa famille n’est pas la plus plaindre, comme l’adolescente nous le dépeint en arpentant les rues en piteux état. Croisant plus qu’à chaque coin de rue, des gosses faisant la manche. Mais c’est également le danger qui guette de partout. Notamment avec ces jeunes filles au triste destin, rendant encore plus protectrices les familles envers leur progéniture. Une facilité peut-être aussi parfois pour assoir un certain machisme. Et empêcher la gent féminine de vivre normalement, de s’émanciper… Même si sur ce point, elle a la chance que ses parents financent avec leurs faibles moyens ses études et cours d’anglais annexes.
Sauf qu’en cachette, elle joue au football, ce qu’on lui interdit. Et elle n’est la seule dans ce cas. Notamment au sein de son équipe avec laquelle elle brille et gagne le surnom de La Furia. Un avenir pourrait peut-être s’ouvrir à elle si elle continue sur cette voie, en tentant sa chance aux États-Unis. Néanmoins, très peu peuvent vivre du ballon sphérique et encore moins se contenter de cela. Tandis que la facilité pourrait lui faire suivre son ami d’enfance, revenant en séjour chez lui. Le fameux Diego, désormais jeune joueur de la Juventus de Turin. Déjà plein aux as, il lui suffirait de profiter de sa confortable situation, alors qu’il est encore loin d’être un footballeur confirmé. Et dans son entourage, on n’hésitera pas à lui faire comprendre parfois qu’il s’agit de la meilleure solution. Évidemment une horreur humaine, marquant plus encore l’ouvrage de sa puissance de frappe au niveau de la sensibilité familiale.
Conclusion
Troublante et touchante aventure personnelle, professionnelle, intime, Furia mêle autant d’éléments trépidants d’un roman, entre suspense et rebondissements, qu’une terrible frappe dans notre lucarne émotionnelle. Ainsi que dans celle sociétale, à plusieurs niveaux. Survie en se servant des autres, famille, féminisme / machisme, volonté de poursuivre son but… Des thématiques laissant à réfléchir après lecture.