Critique du roman La Route d’où l’on ne revient pas et autres récits

Désormais plus que jamais sur le devant de la scène, avec la popularité plurimédia de The Witcher/Le Sorceleur, Andrzej Sapkowski vient de voir diverses de ses histoires, traduites par Caroline Raszka-Dewez, sortir chez l’habituel Bragelonne. Le tout au sein d’un livre, La Route d’où l’on ne revient pas et autres récits, dans lequel figure notamment une séquence concernant Geralt de Riv.

La Route d’où l’on ne revient pas et autres récits

Au travers de cette compilation, on a l’occasion d’en découvrir davantage sur les thèmes et genres dans lesquels a pu s’aventurer l’auteur. En l’occurrence, La Route d’où l’on ne revient pas et autres récits a le bon ton de rassembler des tons distincts. Permettant de mieux nous rendre compte qu’il y a plusieurs vies au-delà du Sorceleur. Et qu’elles ne lui ressemblent pas forcément. Ce qui ne vaut pas pour son premier pan : La Route d’où l’on ne revient pas. Une histoire d’heroic fantasy, épique et gorgée d’humour. Où un voleur attaqué par une dame âgée mal en point qu’il a aidé, se retrouve lui-même sauvé par une jeune femme. Une guérisseuse, pas là par hasard. Mais qu’en est-il réellement de sa nouvelle connaissance ? Des destins liés ?

En tout cas pour l’instant, cela risque effectivement d’être le cas. Car une bande fait sévir la terreur et le duo risque de devoir s’en occuper. Même si l’une y paraît destinée, tandis que le second on pourrait se demander s’il a bien sa place dans cette situation. D’autant plus que la menace est grande, avec la présence d’une terrible créature : un kochtcheï ! Mais au fait, c’est quoi un kochtcheï ? Et existe-t-il vraiment ? Vous verrez que vous ne serez pas les seul.e.s à vous le demander. Enfin sans vous ruiner le plaisir de la découverte, si vous cherchez également de l’action, dans cette intrigue vous y aurez droit. Mais au-delà de celle-ci, on se délecte des dialogues à la saveur de The Witcher.

Les Musiciens bouleverse la donne avec son récit dont les évènements s’ancrent davantage dans la modernité. Si ce n’est la réalité. D’horribles actions se déroulent, dont le meurtre d’enfants. Eux-mêmes pas innocents d’avoir martyrisé un chat. Les félins omniprésents dans cette histoire, se méfieront toutefois des musiciens. On ne vous en révélera cependant pas trop à ce propos. Témoin de la scène, une jeune fille actuellement soignée devient de plus en plus suspecte rapidement dans l’enquête. La démence dépose un voile sur cette histoire, dont l’horreur prend le pas sur la fantasy. On s’y dit carrément qu’Andrzej Sapkowski y déploie là ses inspirations lovecraftiennes.

Dans la foulée, cette suggestion est renversée par un côté plus rentre-dedans, durant Tandaradei. Tout débute comme un récit réaliste, avec une jeune femme « pas belle » dans le texte, s’inscrivant à un séjour loin de tout, en communauté, afin de rencontrer du monde. On y suit ses remarques sur sa colocataire de vacances frivole, l’ambiance… Ou encore le seul homme qui semble s’intéresser à elle. Pour autant, elle a du mal à se dépêtrer de ses bouquins. Mais en voyant que lui-même s’y connaît en littérature obscure, elle se laisse au moins tenter à sortir. Sauf qu’au niveau livre obscure, non pas car inconnu mais faisant appel à des entités tapies dans l’ombre, elle tombera vite sur un autre genre. Un certain Necromicon ! L’ouvrage ici traduit en polonais, nous plonge plus encore dans les rapports avec Howard Phillips Lovecraft. Pour une expérience changeant tout à coup !

Les lieux, périodes et approches se suivent et ne se ressemblent pas. On prendra la modernité de Dans un cratère de bombe, de plein fouet. Avec un enchaînement de marques, noms et références nous signalant à quel point le jeune personnage principal est américanisé à fond, dans l’époque dépeinte. Au sein d’une Europe de l’Est, entre réalité et S.F ! Car oui, cette fois l’écrivain nous entraîne dans de la science-fiction. Qui par ailleurs arrive très progressivement, tant l’on avance durant longtemps dans une vie qui nous semble tout ce qui peut s’avérer de plus classique. Relevons la qualité de la localisation pour un jeu de mots sur un nom lituanien savoureux. Cela est loin d’être systématiquement (bien) effectué, même quand il s’agit d’une traduction aisée de l’anglais au français. Partant ici du polonais, on bénéficie d’une conversion qui garde son sens. Et par conséquent sur ce détail, son humour cinglant.

On a précédemment eu droit à un chat et une jeune fille. Et tiens, en voici justement plus que jamais en une, via Un bel après-midi doré. Où la jeune Alice Tidell, tranquillement perchée sur un arbre, suivra un lapin, apparemment en retard, vers Le Pays des Miracles. Au sein duquel un chat très curieux et pas avare de paroles, sera loin d’être le seul personnage envoûtant. Peut-être le moins craqué au premier abord et davantage tiré vers la discussion posée, par rapport à ses autres rencontres. Ce récit s’avère le reflet d’un autre que vous connaissez ? Sans pour autant, comme généralement avec un miroir, renvoyer l’image que l’on avait en tête ?

D’ailleurs entre les inspirations, relectures et autres nouvelles visions auxquelles nous auront droit tout au long de ces multiples œuvres, L’affaire de Mischief Creek navigue elle autour des sorcières de Salem, à la saveur fantasy. Une comparaison souvent évoquée par certains personnages, particulièrement un, parmi l’éclectique groupe à la poursuite d’une jeune fille. Cette dernière qui aurait usé de sorcellerie, s’est enfuie dans les bois. Une bande d’hommes, pas forcément bien intentionnés l’ultra catholique en tête, la traque. Au fil de découvertes, tantôt une macabre, puis troublantes par leurs premières rencontres féminines dans ces bois, l’escouade sera guidée vers un lieu inimaginable. Mais si jusque-là la petite fille croisée avait déjà su en perturber les membres, ces derniers seront loin d’être au bout de leurs surprises. Même s’ils n’y croiseront pas que des femmes, celles-ci ne sont du même acabit que celles de leur ville.

Très bref, Spanienkreuz nous montrera l’change entre la sœur d’un décoré allemand posthume et celui lui remettant la décoration, sous couvert des décisions du führer. Mais tout ne sera pas si limpide, d’un côté comme de l’autre. Et cette femme voit peut-être bien plus que sa cécité ne laisse le croire, pour une touche de science-fiction en pleine guerre d’époque. Autre culte revu par l’esprit et la main de notre auteur en question, Tristan et Iseult ! La Maladie nous emporte dans une vision nouvelle de cette histoire, tout aussi poignante que la légende l’inspirant.

Enfin, précisons que toutes les nouvelles ont droit à un avant-propos d’Andrzej Sapkowski. D’ailleurs sur cette dernière, il nous évoque la passion pour les contes arthuriens. Autrement, selon le cas, on retrouvera des éléments différents, mais toujours avec la situation datée. Information intéressante si vous désirez noter des relations et autres évolutions, par rapport aux périodes. On bénéficie également des contextes, avec moult anecdotes et de l’humour. Comme lorsqu’il évoque le genre de certaines et ce qui en découle, surtout quand il ne s’agit pas de fantasy.

Conclusion

D’une grande variété, La Route d’où l’on ne revient pas et autres récits, nous offre un éventail de qualité, nous ouvrant la voie à l’œuvre au sens large d’Andrzej Sapkowski. Donnant envie de s’y pencher davantage encore.