Test d'Elliot Quest (Wii U)

Elliot Quest

Les jeux indépendants (surtout) usant de la nostalgie visuelle et sonore de nos jeunes années sont légions. En fait, le mot est faible : Steam et consorts pullulent de ce genre de jeux. Elliot Quest est un projet très intéressant, surtout pour ceux qui ont approché de près ou de loin le second épisode de la franchise Zelda, de Nintendo. Le jeu d'Ansimuz Games s'en inspire beaucoup, vraiment beaucoup. Est-ce justifié ou non ? Elliot Quest pourra-t-il être connu comme un projet à part entière ou comme l'ombre triste d'un projet 80's fortement controversé ? Finalement, Elliot Quest permettra surtout de faire revivre une expérience similaire tout en prenant garde à ne pas reproduire les écueils de son aîné. 

La quête d’un déprimé immortel

Comme cela se fait régulièrement maintenant, le jeu est accompagné d'une narration qui s'inscrit de façon scriptée à l'écran en fonction de la progression du personnage.
Comme cela se fait régulièrement maintenant, le jeu est accompagné d'une narration (ici les paroles d'Elliot « parlant » à sa défunte femme Cara) qui s'inscrit de façon scriptée à l'écran en fonction de la progression du personnage.

Elliot Quest, c’est un projet passionné. C’est naturellement un jeu indépendant et c’est naturellement une réussite sur le site de financement participatif Kickstarter (comme beaucoup de jeu indépendants, le projet est passé par ce mode de financement). D’ailleurs, profitons de la page toujours active d’Elliot Quest sur le fameux site américain. Si on remonte assez loin, on peut voir que le projet date de 2013 tout de même. Sur le site officiel d’Elliot Quest, on peut voir le beau tableau de chasse d’Ansimuz Games, le développeur du jeu. Des notes particulièrement élogieuses dont je vais devoir, par ce test (réalisée à partir de la version Wii U, la plus récente, disponible depuis la mi-avril 2015), prouver ou non leur bien-fondé et vous offrir par la même occasion ma vision de la chose.

L'un des principaux artworks proposés avec le jeu (ici lors de la campagne Kickstarter). On voit ici le côté passablement maléfique en devenir d'Elliot.
L'un des artworks proposés avec le jeu (ici lors de la campagne Kickstarter). On voit ici le côté passablement maléfique en devenir d'Elliot (naturellement peu visible dans la version tout en « pixels » du jeu où il faudra avoir beaucoup d'imagination quant aux malheurs d'Elliot).

Le pitch du jeu est à la frontière entre la simplicité et une maturité dramatique… assez peu habituelle pour ce genre de jeu. Vous êtes Elliot et votre femme n’est plus. C’est triste, oui. Désespéré, vous tombez malade et tentez de mettre fin à vos jours. Et là, surprise : vous apprenez que vous ne pouvez pas mourir. Tourmenté par des cauchemars intrusifs, vous partez donc à la recherche d’un mage qui vous apprend que vous êtes maudit. La faute à qui ? La faute à un démon, bien évidemment, qui se nomme Satar. Ce dernier consomme tranquillou votre vitalité. Une course contre la montre (pas très visible au début) débute alors et vous allez devoir vous battre pour ne pas devenir un démon à votre tour. Alors, l’interprétation de « vous ne pouvez pas mourir » est grandement à nuancer. Si, vous pouvez mourir, et, oui, il faudra faire preuve de dextérité pour progresser.

Hommage ou plagiat ?

elliot quest
Le studio Ansimuz Games reste très transparent sur son désir de proposer un ersatz de Zelda II. Simple clone ou Elliot Quest bénéficie-t-il d'une vraie personnalité ?

Sur la fiche Kickstarter du jeu, on peut y lire, en grosses lettres : « Elliot Quest est inspiré de Zelda II : The Adventure of Link ». En réalité, même sans le mentionner, l’influence est très marquée. On retrouve ainsi le parti-pris basé essentiellement sur la « plateforme » (parti-pris puisque Zelda n’a, au fil de son histoire, jamais retenté la chose, à part dans certaines phases issues des épisodes sur Game Boy, notamment). À cela pourra-t-on rajouter une grande ressemblance avec Pit de Kid Icarus. La même toge ou presque, un arc évolutif et de belles ailes d’ange (encore une fois : pas au début, bien sûr). Le jeu proposera aussi des zones clichés (désert, forêt, etc.) et les zones « donjons » proposant même les chaînes rotatives de boules de feu inhérentes aux châteaux des différents épisodes de Mario. De Zelda, on y retrouvera aussi quelques poncifs comme le fait de devoir libérer une zone pour avoir accès à la zone suivante ou encore les différenciations entre les clés classiques et les clés de boss. Au niveau du bestiaire aussi quelques têtes connues comme le fameux Araknon. Rassurez-vous, Elliot Quest propose tout de même une liste d’ennemis exclusifs. On retrouvera également un inventaire assez peu surprenant avec quelques habitués tels que les bombes, etc. Cependant, il ne copie finalement pas à la lettre les aventures de Link puisque, contrairement au lutin aux mille vies, Elliot parle.

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Ici, le rendu, forcément moins coloré, de Zelda II : The Adventure of Link sur Nes sorti en 1987. On notera que les cœurs n'étaient pas encore une norme dans la série puisqu'ils étaient apparus dans le premier épisode et n'apparaissent pas dans cette « suite ».
Elliot Quest
En comparaison, Elliot est moins détaillé que le Link de l'époque de Zelda II… Mais, même si on retrouve une certaine rigidité inhérente au gameplay « néoretro » très populaire de nos jours, ce mélange habile entre Link et Kit (de Kid Icarus) profite malgré tout d'une animation plus travaillée.

Au niveau technique, le jeu s’inspire, comme bon nombre de jeux indépendants, d’un visuel limité. C’est un style, les retrogamers adoreront, d’autres, à la recherche de la beauté moderne, seront plus réservés, sans doute. Mais si Elliot Quest s’inspire grandement de ses pairs au niveau du gameplay, on retrouve aussi de grosses influences au niveau de la musique. Si certains y retrouveront des touches de Kôichi Sugiyama (Dragon Quest), voire de Nobuo Uematsu (Final Fantasy), on retrouvera aussi beaucoup d’inspirations issues des travaux de Koji Kondo, l’un des compositeurs attitrés de Nintendo. La preuve ? Prenez la sympathique bande originale du jeu conçue par Michael Chait que l'on peut écouter sur le site Bandcamp. Le morceau « Into The Wilderness », par exemple, fait forcement penser au magnifique thème du people Gerudo de Zelda : The Ocarina of Time ou bien la piste « The Mysterious Forest » a tout de même de fortes similitudes avec le thème « Forest of Mystery » de The Legend of Zelda : A Link To The Past. Est-ce une critique ? Non, pas vraiment, car, ce cher monsieur Chait a réussi malgré tout à insuffler ses particularités propres et l'ensemble reste très agréable. Reste que, comme le reste, la chose peut sembler un peu paresseuse.

Indubitablement, le jeu s'avère finalement être plus un hommage plein de passion qu'un simple plagiat sans âme. Pour les plus observateurs, plusieurs clins-d'oeil apparaissent ici et là. Ici, on peut voir, en peinture, la scène lorsque Link récupère Excalibur dans le troisième opus de Zelda sur Super Nes.
Indubitablement, le jeu s'avère finalement être davantage un hommage plein de passion qu'un simple plagiat sans âme. Pour les plus observateurs, plusieurs clins-d’œil apparaissent ici et là. Ici, on peut voir, en peinture, la scène lorsque Link récupère l'épée Excalibur dans le troisième opus de Zelda sur Super Nes (l'épée étant remplacée par l'arc d'Elliot). Chez un forgeron, j'ai pu voir aussi l'énorme épée de Cloud Strife de Final Fantasy VII. Des choses qui plairont aux fans de la première heure, assurément.

Un pari réussi ?

Le point précédent a beau ressembler à une longue critique un peu haineuse, Elliot Quest n’est pas dépourvu de qualités et d’intérêt. Loin de là. L’arme d’Elliot, un arc, donc, est très intéressante. Contrairement au Kit du premier Kid Icarus, sur NES, les flèches d’Elliot ne vont pas en ligne droite, et c’est normal. Au lieu de cela : elles décrivent un demi-arc de cercle pour finir leur course plantées dans le sol (et la pauvre âme qui se trouve sur leur chemin). Ainsi, c’est en prenant en compte le semblant de réalité physique que l’on arrive à anticiper les ennemis du jeu. Concrètement, le jeu se dévoile en plusieurs zones. Des zones de progression et des zones sûres (comme les villages) vu de côté. Mais pour relier le tout, on retrouve une indispensable carte du monde. Le jeu est un peu avare en indication, il faudra donc tester, retester et retester encore, réfléchir à l’item nécessaire pour passer un obstacle (boule de feu ? bombes ? le double saut ?). Et s’il y a une chose qu’Elliot Quest ne suit pas à la lettre de sa franchise d'inspiration, c’est le canevas « exploration/village/donjons ». La chose est bien moins linéaire, ce qui reste un bon point puisque Nintendo a pensé juste, pendant lekarnaslovenija24 longtemps, de renouveler la chose dans de nombreux épisodes de Zelda, mêmes récents. Prendre note de certains éléments inaccessibles à un moment donné peut être sacrément utile, notamment.

La carte est plutôt agréable et regorge de liens à visiter (visible par le phylactère agrémenté d'un point d'exclamation).
La carte est plutôt agréable et regorge de lieux à visiter (visibles via un phylactère agrémenté d'un point d'exclamation).

Elliot est, selon la narration du jeu, immortel mais il peut malgré tout perdre des points de vie et recommencer au dernier checkpoint. Si les items, pièces et autres bonus sont conservés lors de la reprise, ce n’est pas le cas des points d’expériences. Expérience ? Oui, encore une fois, Elliot Quest a du mal à s’émanciper de son modèle, tout en rendant la chose moins frustrante. Zelda II est reconnu pour son orientation bien particulière… par rapport à la série en général. Dans Elliot Quest, le joueur peut faire évoluer cinq branches (agilité, force, précision, etc.). La plupart auront un impact positif sauf, peut-être, ce choix de diminuer la courbe réalisée par les flèches. Etant un mal pour un bien, avoir une flèche qui file en ligne droite fait perdre l’avantage de pouvoir toucher des ennemis en contrebas. Un choix de level design un peu curieux. Enfin, comme de nombreux jeux, le portage sur Wii U permet de profiter d'informations via le gamepad, ce qui reste assez confortable pour ne pas devoir sans cesse se rendre dans l'inventaire.

Le double saut est vital et salutaire, de nombreuses zones nécessite cette aptitude. C'est également lors de ce double saut que l'on voit apparaître les ailes d'ange (déchu) d'Elliot.
Le double saut est vital et salutaire tant de nombreuses zones nécessitent cette aptitude. C'est également lors de ce double saut que l'on voit apparaître les ailes d'ange (déchu) d'Elliot.

Conclusion

Entre la frustration du manque de prise de risques et l'appréciation manifeste d'un tel hommage pour l'un des épisodes les plus controversés de la légende de Zelda, Elliot Quest remplit pleinement son contrat. Alors, oui, le projet d'Ansimuz Games ressemble beaucoup à son modèle, Zelda II, il lui emprunte de nombreux éléments… tout en les rendant tout de même plus modernes, plus fluides, moins injustes. Car même si le second épisode des aventures de Link est apprécié par un segment de joueurs courageux, il est aussi maudit par bien d'autres qui regrettent un équilibrage parfois absent. Elliot Quest ne rend pas la chose plus simple mais se révèle forcement plus juste. 

Plus :

  • Un bonne durée de vie (= un bon rapport qualité/prix)
  • Un vrai challenge
  • Un pitch assez peu habituel pour ce genre de jeu
  • Un level design plutôt intéressant mais sans grande surprise
  • Trois fins différentes selon les choix du joueur

Moins :

  • Absence de la localisation en français
  • Zelda II bis ?
  • Des boss pas vraiment inoubliables

Note : 4/5


Quelques visuels supplémentaires :


Et l'indispensable trailer du jeu :