Test de Bloodborne (PS4)

Alors qu’on nous ressasse sans cesse que l’omnipotence des jeux japonais découle maintenant d’une époque révolue, From Software bien assis sur sa recette des Demon’s Souls et Dark Souls nous amène un nouvel élément de réponse à la question : « Les bons jeux japonais, c’est fini ? », en tirant sa première balle de vif-argent exclusif à la PS4.

Bloodborne

Une histoire de « Souls »

Si vous avez fait l’impasse sur la série des « Souls », sachez que Bloodborne en reprend exactement les fondements. Il s’agit d’un savant mélange entre A-RPG et Survival Horror le tout mâtiné d’une difficulté rappelant la bonne vieille époque des jeux 8 et 16 Bits.

Avant de commencer l’aventure vous créez un héros de toutes pièces, à commencer par son physique, mais également ses traits de caractères qui auront pour effet de fixer ses statistiques de départ (attaque, défense, etc.). Ensuite il ne vous restera plus qu’à vous frayer un chemin parmi une horde d’ennemis tout droit sortis de vos pires cauchemars, sachant que la plupart peuvent vous ôter la vie en un ou deux coups, vous y réfléchirez à deux fois avant de vous précipiter sur tout ce qui bouge.

Chaque ennemi vaincu vous rapporte des échos de sang (l’équivalent des âmes dans Demon/Dark Souls), qui sont en quelque sorte la monnaie du jeu, ces derniers vous permettent de monter en level, d’acheter différentes armes/armures ou objets, mais sont également nécessaires afin d’upgrader ou réparer votre équipement. Vous l’aurez compris, les échos de sang sont absolument primordiaux pour progresser dans Bloodborne.

Malheureusement, tout n’est pas si simple car à chaque fois que vous viendrez à rendre votre dernier souffle (et ça arrivera très souvent croyez moi…) vous perdrez tous les échos emmagasinés jusque là. Il ne vous restera plus qu’à retourner à l’endroit de votre mort pour récupérer vos échos ou alors vaincre le dernier assaillant qui aurait pu les absorber (ce qui constitue l’une des nouveautés du titre). Mais si par malheur il vous arrivait de périr avant de récupérer vos échos de sang, sachez que vous perdrez définitivement ce précieux butin. Bien heureusement chaque objet, arme, armure ramassés, restera toujours dans votre inventaire même si vous perdez la vie peu après. Comme vous pouvez donc le constater toutes les règles de Bloodborne sont régies par un parfait équilibre, sans jamais que cela ne semble injustement difficile.

Bloodborne

Même si les fameuses lanternes ont une apparence plutôt lugubre, elles constitueront votre seul et unique refuge.

Devant la peur lancinante de se faire tuer à tout moment et ainsi perdre tous vos échos de sang, votre chemin sera quelque fois jonché de rares lanternes (qui remplacent les feux de camp de Dark Souls), vous permettant d’accéder à une sorte d’oasis dans ce monde cauchemardesque. Ce lieu-saint appelé « le rêve du chasseur » est la seule véritable zone sécurisante du jeu et représente en quelque sorte le HUB central. C’est dans cet endroit que vous aurez la possibilité d’acheter ou de stocker des objets, de fortifier vos armes, ainsi que d’augmenter vos stats.

Les lanternes agiront également comme checkpoint car c’est ici que vous reviendrez à chaque fois que vous succomberez aux coups de vos assaillants.

Bloodborne

La poupée du « rêve du chasseur », vous permettra d’augmenter vos stats.

Là où Demon’s Souls et Dark Souls donnaient plutôt dans la Dark Fantasy, le monde de Bloodborne qui se déroule dans la ville de Yharnam, évoque l’époque victorienne avec quelques accents gothiques. Pourtant, malgré le changement de décors, ces derniers ne trahissent en rien l’origine des Souls. L’ambiance horrifique rappelle toujours furieusement le manga « Berserk » de Kentaro Miura avec parfois un petit côté « Le pacte des loups » de Christophe Gans au niveau des tenues.

Bloodborne

L’atmosphère enivrante du titre doit beaucoup à sa direction artistique.

Même si techniquement tout n’est pas parfait, sur le plan esthétique, le jeu est véritablement magnifique. Chaque endroit que vous allez traverser ressemblera à un tableau cauchemardesque des plus fascinant. Le monde de Bloodborne est empreint de mélancolie et de violence s’entremêlant pour donner naissance à cette poésie macabre incroyablement enivrante. Néanmoins si vous êtes avant tout amateur de bons scénarios et de héros charismatiques, alors passez votre chemin car celle-ci est quasiment inexistante, il faudra se fier aux rares PNJs, cinématiques ou notes, disséminés dans le jeu pour comprendre le semblant d’histoire diluée dans cet univers gigantesque.

Bloodborne

Vous devrez parfois accomplir des objectifs secondaires pour de rares PNJ

La meilleure défense, c’est l’attaque !

Ce proverbe n’aura jamais été aussi bien approprié que dans Bloodborne, car même les ennemis les plus faibles et les plus lents, peuvent faire énormément de dégâts dès qu’ils sont lâchés, le meilleurs moyen est donc bien souvent de ne pas les laisser attaquer en premier.

Mais là où Bloodborne se différencie de ses ainés est qu’il vous autorise un laps de temps après avoir été touché, vous permettant de vous régénérez tout en contre-attaquant. Concrètement si un ennemi vous blesse, le maximum de votre barre de vie (représenté par un segment blanc) diminuera, néanmoins les points de vie que vous aurez perdu seront représentés par une couleur rouge un peu plus mate, vous aurez alors un certain temps afin de restaurer cette partie en frappant l’adversaire et en faisant remonter le segment blanc dans la zone rouge mate. En pratique, si un ennemi vous touche et que vous contre-attaquez très rapidement, il est possible de régénérer presque totalement votre barre de santé. Un procédé ingénieux qui contribue à donner « l’illusion » au jeu d’être un peu plus facile que la série des Souls. Au même titre, on remarquera que le nombre maximum de potions transportables au début, s’élève à vingt, mais leur prix dans le « rêve du chasseur » grimpera au fur et à mesure de votre progression.

En sus, le personnage est beaucoup plus véloce que dans les épisodes précédents, finie la lourdeur de Dark Souls, ici tout se joue sur l’esquive plus qu’à la défense, et même si votre personnage pourra optionnellement s’équiper d’un bouclier, son bras gauche sera avant tout utilisé pour les armes à feu, bien plus utiles pour contrer les ennemis que pour faire des dégâts.

Bloodborne

« Les armes trompeuses » disposent toutes d’une seconde forme. Ici, lorsque l’épée est rentrée dans son fourreau, l’arme se transforme alors en marteau plus lent mais bien plus puissant.

Autres nouveautés : « les armes trompeuses » sont des armes transformables, ces dernières disposent de deux formes, par exemple une canne tout à fait ordinaire pourra se métamorphoser en fouet grâce à une simple pression sur le bouton R1. On peut également citer l’épée-marteau, qui, une fois rentrée dans son fourreau ressemblant à une énorme masse, pourra faire énormément de dégâts. Le plus intéressant reste la possibilité de transformer son arme en plein milieu d’un combo afin d’en accentuer les dégâts, même si cela reste risqué étant donné les réactions parfois très rapides des ennemis.

Certains points du jeu peuvent néanmoins se montrer décourageants, voir frustrants à la longue, par exemple le fait de ne récupérer aucun des objets de soins (les fameuses fioles de sang) que l’on a utilisé avant de mourir lamentablement devant un boss, est pour moi l’un des défauts redondants du jeu, car après avoir été vaincu on se retrouve bien souvent à combattre des ennemis en espérant en trouver sur leur cadavre, ou encore en utilisant des échos de sang pour remplir sa besace et repartir à la charge dudit boss. Alors que dans les anciens Souls il suffisait d’aller à un feu de camp pour régénérer ses objets de soins.

Heureusement, en augmentant vos points « d’ésotérisme » il sera possible de récupérer plus d’items sur les cadavres de vos adversaires. En outre lorsque votre inventaire est plein, les fioles de sang que vous ramasserez seront automatiquement envoyées dans votre coffre de réserve. Le jeu a également la bonne idée de vous transférer le maximum de vos fioles stockées (selon la limite que vous pouvez transporter) à chaque fois que vous viendrez à mourir. Tout cela afin de vous éviter un aller-retour dans « le rêve du chasseur » accompagné du très long temps de chargement livré avec.

Sept fois à terre, huit fois debout

Tout comme la série des Souls avant lui, Bloodborne met en avant l’apprentissage par l’erreur, celui-ci à de gratifiant qu’il vous pousse sans cesse au-delà de vos limites (ainsi qu’à la limite de la crise de nerfs), progressivement, vous vous surprendrez à vaincre un boss qui vous semblait insurmontable la première fois. Si cela vous semble surprenant sachez que le jeu est tout simplement pensé de cette façon, la première rencontre avec un boss est souvent synonyme de mort certaine, donc ne vous découragez pas et commencez par apprendre ses patterns.

Bloodborne

Même les boss les moins actifs seront capable de vous anéantir en l’espace de deux coups.

Là où le jeu révèle tout son intérêt dans la difficulté, et que celle-ci se laisse en fait dompter progressivement. Si Bloodborne vous apprend une chose c’est la patience car la précipitation sera souvent synonyme d’échec. Le jeu se construit de façon très didactique, là où vous bloquerez à un passage particulier, après trois ou quatre morts vous comprendrez comment outrepasser cela. Sur ce point d’ailleurs, le level design de Bloodborne reste de très haut niveau mais probablement un peu moins inspiré et plus linéaire que dans ses aînés.

Evidemment les boss vous prendront souvent plus de deux ou trois morts. Mais si vous trouvez que la distance qui vous sépare de l’antre d’un boss est trop longue, explorez d’avantage les lieux, il y a de grandes chances que vous n’ayez pas libéré un raccourcis ou allumé une lanterne vous menant à mi-distance de ce dernier.

Bloodborne

Le coté sinistre de certains bruitages et décors donnent un cachet horrifique à Bloodborne.

Tout se qui semble extrêmement menaçant commence finalement par devenir une routine, et faire face à un ennemi d’une dizaine de mètres de haut ne vous semblera bientôt qu’une banalité absolue mais pour ce qui sera de le vaincre, ça c’est une autre histoire.

En cela le titre a de puissant qu’il se laisse dompter par le joueur qui en comprend les règles au fur et à mesure, car contrairement à de nombreux jeux difficiles à cause de leurs problèmes d’IA, de caméra mal réglée, ou de difficulté mal calibrée, là si vous mourrez, c’est que vous n’avez pas été assez rapide, ou n’avez pas exploité assez bien vos armes secondaires, etc. Essayez de combattre les ennemis individuellement en les attirant à l’aide de galet par exemple, cela sera beaucoup moins risqué que de vous précipitez sur un groupe et de vous faire prendre en tenaille, servez vous un maximum de votre environnement, attirez les ennemis dans un endroit étriqué afin de les prendre à la chaîne.

Si vous respectez ces règles, jamais vous n’aurez l’impression d’être vaincu injustement, c’est l’une des forces résidant dans la difficulté du titre, le jeu peut paraître difficile parfois, mais il n’est jamais injuste.

Dans le cas où vous n’auriez jamais joué à un « Souls », Bloodborne me semble l’épisode le plus approprié pour un débutant qui voudrait se faire à cet univers. Mais ne vous attendez pas à ce qu’on vous fasse des cadeaux ou vous tienne par la main. Le jeu donne toujours très peu d’indice sur la destination à laquelle se rendre, à vous de prendre des risques et de vous aventurer là où vous dicte votre instinct.

On pestera tout de même contre des temps de chargement anormalement longs (quarante secondes en moyenne) dans un jeu où l’on passe son temps à mourir. Dans l’état, ces derniers constituent réellement le plus gros défaut du jeu, même si l’on nous promet une mise à jour pour corriger cela.

On regrettera également une prise de risques moins bien récompensée que dans les autres épisodes au niveau des items, ne croyez pas que vous aventurer dans un chemin escarpé, jouer de la plate-forme ou vaincre un terrible ennemi vous mènera à une arme salvatrice car vous serez souvent déçu. On a d’ailleurs l’impression d’un équipement largement réduit, surtout pendant les dix premières heures de jeu où l’on a la sensation de ramasser toujours la même chose comme des objets qui, en l’état, ne servent à rien avant d’avoir récupéré des outils pour l’atelier dans le « rêve du chasseur ».

En ce qui concerne le mode en ligne, celui-ci est le digne héritier de celui des « Souls », pas de grands changements, ainsi vous pourrez toujours lire les messages au sol laissés par d’autres joueurs, mais également intervenir dans « le monde » d’autres joueurs pour les affronter ou encore les appeler pour vous aider. Rien de bien nouveau donc, hormis le fait que vous pourrez cette fois appeler vos amis pour venir vous aider, grâce à un système de point de lucidité que vous récupérez en enrichissant vos connaissances sur le bestiaire de Bloodborne ou en utilisant certains objets particuliers comme les crânes de dément.

Bloodborne

Parfois, au détour d’un chemin, on tombe sur des surprises… de tailles.

Même si Bloodborne a été totalement encensé par les critiques, Il est intéressant de constater qu’une telle formule rentrant indubitablement dans la case « jeu de niche » ait acquis au fils du temps un tel succès.

Pourtant la question « a-t-on le droit de détester Bloodborne ? » parait légitime. La difficulté peut souvent paraître effrayante ou rebutante pour le joueur lambda qui aurait juste envie de prendre du plaisir tranquillement sur un jeu, sans avoir à jeter sa manette contre un mur toute les cinq à dix minutes. Car oui vous allez mourir dans Bloodborne, des centaines de fois même, je le déconseillerais donc à tout les joueurs qui souhaiteraient juste s’amuser sans avoir à recommencer systématiquement un passage ou un boss particulier plus d’une dizaine de fois.

Pour ma part, la difficulté de Bloodborne est l’une des mieux calibrée que j’ai pu constater a ce jour, difficile certes, mais jamais insurmontable. A vous de voir où se situe votre cas en tant que joueur, mais la plus grosse erreur serait d’avoir peur de tenter l’expérience.

Conclusion

Après déjà quatre épisodes où le nombre de nouveautés peut se compter sur les doigts de la main d’un lépreux, la recette de From Software fonctionne toujours aussi bien.

Hidetaka Miyazaki, créateur talentueux de Demon’s Souls et Dark Souls est un sadique, cela tient du fait avéré après avoir joué une petite heure a Bloodborne, mais lorsque vous aurez réussi à vaincre votre premier boss, vous n’aurez jamais autant apprécié être masochiste.

Bloodborne est un jeu viscéral, le genre de jeu qui vous prend aux tripes sans vous lâcher pendant une bonne quarantaine d’heures. Et si recommencer un passage plusieurs fois ne vous effraie pas, si vaincre un boss après vingt tentatives est pour vous synonyme du « dépassement de soi », alors prenez une bonne gorgée de fiole de sang et venez visiter Yharnam, car Bloodborne est fait pour vous.

Plus :

  • La difficulté ?
  • Atmosphère incroyablement enivrante
  • Le level design
  • La durée de vie

Moins :

  • La difficulté ?
  • Les temps de chargement pouvant avoisiner les 40 secondes

Note : 4/5