Test de Oddworld : New 'n' Tasty (PS4)

Oddworld: New 'n' Tasty

Il y a de ces jeux qui marquent une génération (de console). La dystopie de l’Américain Lorne Lanning et son univers sombre et cruel en font clairement partie. Datant de 1997, la mésaventure du frêle, mais néanmoins courageux et téméraire, Abe est un des plus grands succès critiques de la première Playstation de Sony. Si la société Oddworld Inhabitants a peu à peu perdu de sa superbe au milieu des années deux mille, son géniteur n’a jamais lâché le morceau et a même annoncé dès 2011 le désir d’offrir une cure de jeunesse à ce premier épisode. Oddworld : New ‘n’ Tasty s’avère donc être une relecture modernisée du concept d’origine en collaboration avec le studio Just Add Water. Bien que nombre de joueurs entretiennent une pensée tendre et nostalgique pour cette inoubliable épopée, il est légitime de se demander si elle est toujours d’actualité.

Salut, suis-moi, Ok

Plusieurs éléments caractérisent les premières aventures d’Abe (l’Odyssée puis l’Exode). À l’époque, le jeu impressionnait surtout par sa physique (pourtant en deux dimensions) vraiment séduisante. Le novateur moteur graphique A.L.I.V.E (pour Aware Lifeforms In Virtual Entertainment) offrait alors un niveau d’intelligence artificielle sidérant. À cela s’ajoutait un module, nommé Gamespeak, permettant au protagoniste de rentrer en contact avec les siens. Certains boutons de la manette de jeu permettaient donc d’interagir, d’inviter et même de rire ou de péter (ce dernier étant visiblement très culturel pour la race d’Abe). Aussi, l’un des choix très personnels dès ce premier volet a été d’avoir un écran de jeu minimaliste. Ainsi, pas de jauge de vie ni de compteur. Conjugué aux rares points de contrôle et l’impossibilité de sauvegarder quand on le souhaite, Oddworld : l’Odyssée d’Abe a été pleinement reconnu pour son intransigeance, sa relative précision et en définitif : sa difficulté.

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 Visiblement, les conditions de travail de Rupture Farms ne sont pas optimales.

Si vous avez hiberné aux alentours de l’an de grâce 1997, voici le pitch, dramatique, certes, mais cocasse aussi, de ce premier épisode. Oddworld : l’Odyssée d’Abe propose un background très intelligent. Ce jeu critique violemment des idéologies telles que le capitalisme, le totalitarisme et, bien évidemment, l’esclavagisme. Le joueur troque ses super-héros de l’époque pour un anonyme d’une fragilité déconcertante. Abe fait partie de la race des Mudokons. Pacifiste de nature, ce peuple – chez qui on retrouvera une certaine analogie avec les indigènes Amérindiens – a été jadis divisé. D’un côté, les Natifs, avec leur contact fusionnel avec Mère Nature, leurs Chamans et leurs rituels séculaires. De l’autre, des malchanceux, réduits en esclavage par le peuple des Glukkons. Ces Mudokons travaillent dans des conditions peu recommandables à Rupture Farms, une usine alimentaire aux méthodes peu orthodoxes. Jusque-là, Abe ne se plaignait pas plus que cela de son sort mais le hasard lui a fait prendre connaissance du futur projet funeste de Rupture Farms : l’utilisation de la viande de Mudokon à des fins commerciales. Bien que peu reconnu pour son intelligence, Abe prend malgré tout une sérieuse décision, prend ses jambes à son cou et décide de s’échapper de cet enfer.

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Ils faut, ici, à la fois lutter contre l’ennemi et sauver les siens. L’entreprise d’Abe ne sera pas de tout repos.

Abe, héros malgré lui

Le jeu débute donc sur une fuite précipitée. Si Abe n’est pas « homme » de grand pouvoir, il peut néanmoins profiter de ses grandes enjambées, de sa discrétion et de sa faculté modeste de communication, même en cas de coup dur. Ce premier jet, et l’on retrouve la même chose dans ce remake, propose donc de sauver sa peau mais aussi celles de ses (299) congénères. Ce dernier point n’est pas une obligation, bien évidemment, mais permet néanmoins de profiter de la bonne fin du jeu (le jeu se parcours donc au moins en deux fois, histoire de tout découvrir). Ainsi, tout en évitant les pièges et les ennemis, il est toujours possible d’arrêter les esclaves dans leurs activités afin de les guider. Où ? Chez les Natifs. S’il est faible, Abe peut profiter d’un sort d’envoûtement afin d’ouvrir des portails dans le but de les faire transiter vers leur Terre Promise. La difficulté étant que ces derniers ne sont pas plus intelligents que des Lemmings et vous suivent aveuglément. Ce sort permet également de prendre le contrôle de certains ennemis, d’en tirer profit et, en dernier lieu, peu ragoutant si l’en est, de jouer au kamikaze. Si ce premier épisode semble assez linéaire, il propose néanmoins une multitude de zones cachées. Pour un jeu à l’ancienne, en ligne droite, il faudra compter une bonne dizaine d’heures et bien plus si vous voulez jouer au Bon Samaritain.

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Au fur et à mesure de la progression, Abe quitte le métal et le brouillard de l’industrie pour se rapprocher de la Nature. 

Alors que les démakes sont tendance, les remakes sont toujours au goût du jour. Qui dit reprise, dit remasterisation, remise à niveau ou recadrage des défauts inhérents d’antan. Peu de chose ont changé ici. La difficulté de la première aventure d’Abe vient de sa relative latence de déplacement. Lorne Lanning proposait déjà à l’époque un charmant hommage au gameplay que l’on retrouvait dans certains jeux de plateforme du type Prince of Persia ou Another World. C’est toujours le cas pour ce remake et même si on s’y habitue vite cela peut générer quelques frustrations et donner un côté un peu die & retry. Au niveau visuel, revoir Abe dans cet univers sombre, coloré et inquiétant est un réel délice, d’autant que le travail effectué sur les effets 3D est réussi et que l’ensemble flatte la rétine. Musicalement, on retrouve le même rendu. À la différence près que la bonne localisation de l’époque en français fait place à des Mudokons anglophones. Ce n’est en rien dramatique. Enfin, on pestera juste un peu sur le prix (une vingtaine d’euros), un peu cher pour un jeu en dématérialisé.

Conclusion

Au final, le studio Just Add Water a fait un boulot impeccable, c’est beau, soigné, jouissif et le concept n’a pas pris une ride. Cependant, le jeu d’origine était déjà très bon, presque parfait en réalité. Si sa définition de l’époque est un peu baveuse aujourd’hui, on ne peut (pouvait) pas lui reprocher grand-chose. Cet Oddworld : New ‘n’ Tasty est donc une aubaine pour les plus jeunes ou ceux qui avaient passé leur tour et un réel délice pour les fans de la première heure. N’attendez cependant pas de grands changements. On sera d’accord sur une chose : vivement le remake de l’Exode d’Abe. Notons qu’à l’heure de ces lignes, la condition sine qua non pour en bénéficier tient à une seule chose : que 500 000 copies numériques du jeu soient acquises par les joueurs. À ma modeste échelle, j’espère avoir un impact notoire. Ayez bon cœur, sauvez ce brave Abe !

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Les plus

  • Refaire vivre cette première aventure d’Abe est une idée géniale en soi
  • Un dépoussiérage exemplaire
  • Un gameplay millimétré et exigeant
  • Un platformer à l’apparence linéaire mais bourré d’éléments secrets
  • Un univers exceptionnel à découvrir sans hésiter

Les moins

  • Le prix (une vingtaine d’euros)
  • Va-t-on atteindre les 500 000 exemplaires afin de profiter du remake de l’Exode d’Abe ??

Note : 4,5/5