Chronique roman Sortir de la nuit

Sortir la nuit pour vivre pleinement ce que l’on est, reste malheureusement un substitut à la liberté. Elle qui s’obtiendrait, en restant comme on le ressent à chaque instant de la journée. À l’instar a priori de quiconque. Mais dur de concrètement Sortir de la nuit, face à la haine et l’angoisse. Un délicat quotidien chez Bayard par Helene Dunbar, traduit par Anne-Marie Carrière et à la couverture de Joséphine Onteniente.
Sortir de la nuit

1982, époque où la liberté sexuelle, parfois trop libertine, et la drogue, n’ont plus fait très bon mélange, après des années 70 complètement débridées. Où sans aucun doute la mortalité due aux overdoses, a empêché de repérer certains virus. Le malheureusement emblématique des années 80 (dont l’origine remonte pourtant à plus loin), le VIH, est ainsi venu instaurer la crainte. Toutefois, en allant au-delà de la maladie aisément transmissible. Sans l’être en s’embrassant tant qu’on ne s’en fait pas saigner ou en se touchant, contrairement à ce beaucoup imaginent encore.

Il a ainsi accentué plusieurs fléaux, en commençant par l’homophobie. Le SIDA étant connoté comme un virus gay. La communauté d’époque y fut certes décimée. Cependant si cela n’arrivait qu’à des caucasien.ne.s hétérosexuel.le.s, personne n’en ferait la remarque. Curieux non ? Un bon moyen pour les homophobes de cracher ouvertement leur rage. Troublant d’autant plus quiconque n’ose s’assumer, face aux représailles. À l’instar de Michael, le personnage que l’on suivra.

Adolescent aux parents s’affichant contre l’homosexualité, surtout son père plus virulent, il préfère faire profil bas. Contrairement à son frère aîné, viré du domicile familial et évité comme un pestiféré, sauf par son frangin, pour cette même raison. Heureusement, notre jeune héros a la chance de pouvoir compter sur ses ami.e.s Becky et James. La première en soif de sincères sentiments, tant elle tient à son petit copain. Le second, artiste volubile à l’aise financièrement grâce à un tour joué à sa famille, pourrait s’apparenter à un mentor.

Le trio, enfin surtout les deux compagnon.ne.s de notre narrateur, se trouvera gorgé de clichés d’époque. Instaurés de manière à les ancrer au mieux, et en faire de même avec nous, dans cette période. Tant dans leurs styles vestimentaires codifiés, voire directement copiés de vedettes telle Madonna à ses débuts. Que dans leurs attitudes, des petits gestes typiques travaillés chez des genres de personnalités… Voire des références artistiques, pas simplement là pour se référer aux productions des années 80. Mais par des messages renvoyés en les soulignant.

D’ailleurs ce roman comportant des sujets très importants dès l’adolescence, si vous figurez parmi ce public, ne craignez pas les diverses références. Nombreuses, elles coulent sans mal et si besoin, farfouillez pour comprendre. Une partie bénéficiera même d’annotations, tantôt pour des mouvements sociaux, tantôt des précisions culturelles… Y compris à propos de Pong, mais là on espère que vous n’aurez pas besoin de la lire.

Malgré le climat morose montant progressivement, à cause des drames engendrés, notre principal protagoniste voit ses sentiments se développer. Et aussi ses envies ! Particulièrement vers le troublant Gabriel, qu’il croise lorsqu’il a enfin l’occasion de se lâcher sur la piste de danse de l’Écho. Serait-ce cependant bien sérieux de se laisser aller, avec quelqu’un qu’il connaît à peine ? Tout en s’interrogeant sur lui-même et le monde l’entourant.

Conclusion

Les premiers émois dans un contexte terrifiant, à cause de deux épidémies gagnant du terrain : le SIDA et la discrimination, font de Sortir de la nuit un roman d’amitié et de romance plein de sensibilité et à la fois très dur. À l’instar de notre société et de celle de l’époque dépeinte.